La régulation du lobbying au Québec

Le lobbying à l'international PUBLIÉ LE 7 mars 2022

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a publié en octobre 2020 une étude comparative des dispositifs d’encadrement du lobbying à travers le monde. Y figurent les membres du Réseau des registres européens du lobbying, à savoir l’Autriche, la Catalogne, l’Écosse, la France, l’Irlande, la Lituanie, le Royaume-Uni, la Slovénie et l’Union européenne, ainsi que des pays qui font état de bonnes pratiques en la matière.

La Haute Autorité propose ici de mettre en lumière le dispositif en vigueur au Québec.


* Précision : le mot « lobbyisme » utilisé dans cet article est l’équivalent au Québec du terme « lobbying » communément utilisé en France. La Haute Autorité adopte plutôt la terminologie « représentation d’intérêts » telle qu’elle est définie dans la loi dite « Sapin II ».

 

Quel est le dispositif de régulation du lobbying au Québec ?

Au Québec, la régulation du lobbying est encadrée depuis juin 2002 par la loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme. Celle-ci prévoit le contrôle des activités de lobbyisme* à travers un registre public des lobbyistes ainsi que la nomination d’un commissaire au lobbyisme. En complément de cette loi, ces derniers ont l’obligation de respecter le Code de déontologie des lobbyistes qui prévoit des normes de conduite devant régir et guider leurs relations avec les décideurs publics.

Source : https://lobbyisme.quebec/


Quelles sont les compétences du commissaire au lobbyisme du Québec ?

Me Jean-François Routhier a été nommé commissaire au lobbyisme du Québec le 17 octobre 2017 pour un mandat de cinq ans, renouvelé le 20 avril 2023. Il est nommé sur proposition du Premier ministre, approuvée par les deux tiers des membres de l’Assemblée nationale afin de garantir son indépendance face à l’administration gouvernementale. Le commissaire au lobbyisme s’est doté d’un Code d’éthique et de déontologie présentant des hauts standards déontologiques qu’il s’impose dans l’exercice de sa fonction.

Il est investi de pouvoirs d’inspection et d’enquête pour mener à bien son mandat de surveillance et de contrôle. Ainsi, il peut agir ou autoriser toute personne à agir comme inspecteur pour vérifier l’application des dispositions de la loi ou du code de déontologie des lobbyistes. L’inspecteur peut notamment pénétrer dans l’établissement d’un lobbyiste ou d’un titulaire d’une charge publique et exiger des personnes sur place qu’elles fournissent des renseignements relatifs aux activités ou fonctions d’un lobbyiste.

Enfin, le commissaire au lobbyisme et son équipe assurent aussi un rôle d’information et de formation. L’institution, qui relève de l’Assemblée nationale, dispose d’un budget annuel de 7 millions de dollars canadiens et emploie 44 agents. Afin de mener à bien cet aspect de sa mission, il répond à toute question portant sur l’interprétation et l’application de la loi et du code de déontologie des lobbyistes et offre des formations personnalisées à l’ensemble de ses parties prenantes, dont les lobbyistes et les titulaires de charges publiques.

 

Comment est définie une activité de lobbying au Québec ?

Source : https://lobbyisme.quebec/

Selon la loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme, une activité de lobbyisme constitue toute communication orale ou écrite faite auprès d’un titulaire d’une charge publique en vue d’influencer une décision à caractère législatif, règlementaire ou administratif. Le fait, pour un lobbyiste, de convenir pour un tiers d’une entrevue avec le titulaire d’une charge publique est assimilé à une activité de lobbyisme. Ces décisions peuvent porter sur une orientation (projet de loi, règlement, plan d’action), un avantage pécuniaire (attribution d’un contrat ou d’une subvention), une autorisation (octroi d’un permis ou d’une licence) ou la nomination de certains administrateurs d’État.

En France, une activité de lobbying est définie depuis la loi dite « Sapin II » du 9 décembre 2016 comme « toute communication à l’initiative du représentant d’intérêts auprès de certains responsables publics au sujet de certaines décisions publiques en vue d’influencer ces décisions ».

 

Qui sont les titulaires d’une charge publique ?

Sont considérés comme titulaires d’une charge publique les députés et les ministres ainsi que les membres de leur personnel, mais aussi les employés du Gouvernement et des organismes gouvernementaux, les maires et préfets, les conseillers municipaux, le personnel de cabinet, les employés des municipalités, et enfin les employés des organismes municipaux et supra-municipaux. Par ailleurs, les dirigeants et employés de la plupart des établissements de santé et de services sociaux du Québec sont aussi considérés comme des titulaires de charge publique.

Le Québec se distingue des autres juridictions qui encadrent le lobbyisme par sa couverture « multi-niveaux » des activités de lobbyisme. Ce dispositif couvre les niveaux parlementaire, gouvernemental et municipal au sein d’une même législation.

En France, le répertoire des représentants d’intérêts tenu par la Haute Autorité concerne également les actions menées à l’échelle locale. Ce volet du dispositif, prévu depuis la loi dite « Sapin II » du 9 décembre 2016, est entré en vigueur le 1er juillet 2022. Le champ des décideurs publics susceptibles d’être visés par des actions d’influence englobe ainsi environ 18 000 personnes, faisant du dispositif français l’un des plus étendus au monde.

 

Qui est considéré comme « lobbyiste » au Québec ?

Par définition, un lobbyiste est une personne qui, pour le compte d’un client, d’une entreprise ou d’une organisation, communique avec des titulaires de charges publiques en vue d’influencer leurs prises de décisions. Selon la loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme, cette personne doit être inscrite au registre des lobbyistes.

Le Québec distingue :

– les « lobbyistes-conseils» qui exercent des activités de lobbyisme pour le compte d’autrui, moyennant contrepartie ;

– les « lobbyistes d’entreprise » qui, au sein d’une entreprise à but lucratif, exercent des activités de lobbyisme pour le compte de cette entreprise ;

– les « lobbyistes d’organisation» qui exercent des activités de lobbyisme pour le compte d’une organisation à but non lucratif (OBNL) constituée à des fins patronales, syndicales ou professionnelles ou dont les membres sont majoritairement des entreprises à but lucratif ou des représentants de telles entreprises. En vertu du Règlement relatif au champ d’application de la Loi, sont exclus de cette définition les représentants de la plupart des organisations à but non lucratif (OBNL)

Les « lobbyistes d’entreprise » et « les lobbyistes d’organisation » seront considérés comme lobbyiste et inscrits au registre seulement s’ils effectuent des activités de lobbyisme « pour une partie importante » de la fonction qu’ils occupent au sein de l’entreprise ou de l’organisation, notamment déterminée par rapport à l’ensemble des activités de la personne et son degré d’implication dans des rencontres avec les titulaires de charges publiques ou les institutions publiques.

Selon le code de déontologie, quelles sont les obligations des lobbyistes ?

Au Québec, le Code de déontologie des lobbyistes, entré en vigueur en 2004, a pour objet d’établir des normes de conduite applicables aux lobbyistes afin d’assurer le bon exercice des activités de lobbyisme visé par la loi et d’en favoriser la transparence. Toute personne qui exerce des activités de lobbyisme en qualité de lobbyiste-conseil, de lobbyiste d’entreprise ou de lobbyiste d’organisation doit respecter ce code de déontologie.

Les principes de respect des institutions, d’intégrité, d’honnêteté et de professionnalisme sont inscrits dans le code de déontologie des lobbyistes. De plus, le lobbyiste doit faire preuve de diligence et de disponibilité dans ses relations avec le commissaire au lobbyisme.

Conformément au chapitre IV de la loi, des mesures disciplinaires et des sanctions pénales peuvent être prises contre un lobbyiste en cas de non-respect du code et de la loi.

 

Quelles sont les sanctions prévues par la loi en cas de manquement aux obligations déclaratives des lobbyistes ?

La loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme prévoit des pénalités notamment en cas d’omission de déclarations à l’égard des lobbyistes ou en cas d’avis contenant un renseignement faux ou trompeur. Ils encourent une amende de 500 à 25 000 dollars. L’amende peut être doublée en cas de récidive.

En cas de manquement grave ou répété, le commissaire au lobbyisme peut interdire la pratique d’activités de lobbyisme pendant une période pouvant atteindre 12 mois.

Le Procureur général peut réclamer au lobbyiste, solidairement de son entreprise ou groupement, la valeur de la contrepartie reçue ou payable en raison des activités de lobbyisme ayant donné lieu au manquement.

Quelles informations les lobbyistes doivent-ils déclarer et à quelle fréquence ?

Les lobbyistes doivent déclarer sur le registre des lobbyistes, entre autres, leurs coordonnées professionnelles ainsi que celles de leurs clients, l’objet et la durée du mandat couvert par leurs activités de lobbyisme en précisant le type de décision visée. Doivent également être précisés les titulaires de charges publiques visés par les activités, les moyens de communication utilisés ainsi que le montant anticipé de la contrepartie perçue, le cas échéant. Les déclarations initiales, les déclarations de renouvellement et les avis de modification sont à inscrire au registre des lobbyistes.

Pour la période 2021-2022, le registre des lobbyistes québécois comptait 15 654 lobbyistes actifs dont 3 259 inscrits pour la première fois. Un lobbyiste est considéré comme « actif » s’il a au moins un mandat déclaré actif pendant l’exercice financier.

En comparaison, en France, 2 584 entités étaient inscrites sur le registre des représentants d’intérêts tenu par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et 11 105 activités de représentation d’intérets ont été déclarée.

 

Quels sont les délais maximaux d’inscription selon le type de déclaration ?

Afin d’informer les citoyens des activités d’influence exercées auprès des institutions publiques, la loi prévoit des délais d’inscription pour chaque type de lobbyiste.

Les lobbyistes-conseils s’inscrivent eux-mêmes au registre au plus tard 30 jours suivant la date de début de leurs activités de lobbyisme.

Le plus haut dirigeant d’une entreprise ou d’une organisation doit inscrire ses lobbyistes d’entreprise ou d’organisation au registre, et ce dans un délai de 60 jours suivant la date du début de leurs activités de lobbyisme. Cependant, ce délai vaut seulement pour la déclaration initiale de l’entreprise ou de l’organisation. Par la suite, les autres déclarations doivent toujours être faites dans un délai de 30 jours. Une procuration peut être faite pour désigner une autre personne habilitée à préparer, signer et publier les déclarations et avis.

Quelles sont les améliorations apportées par la nouvelle plateforme « Carrefour Lobby Québec » ?

Le registre des lobbyistes a été remplacé par la plateforme « Carrefour Lobby Québec » qui permet de simplifier les obligations de déclaration et l’inscription des lobbyistes. Plusieurs champs formatés de sélection permettent d’inscrire l’information requise pour la publication des activités de lobbying (« mandat ») limitant ainsi la saisie manuelle d’information. La plateforme est connectée à des banques de données publiques (ex. : Registre des entreprises, Légis-Québec, etc.) pour faciliter la saisie des informations. De plus, la publication des activités de lobbying est instantanée et ne nécessite plus de validation préalable, les contrôles étant exercés postérieurement à la publication.

La plateforme assure aussi une mise à jour des données en continu. Les utilisateurs du registre ont accès à un historique des déclarations et peuvent donc observer les modifications apportées par les représentants d’intérêts à leur déclaration initiale.

Quels sont les axes d’amélioration du dispositif québécois ?

Le commissaire au lobbyisme a présenté en 2019 une proposition de réforme de l’encadrement du lobbyisme et proposé à cette occasion 34 principes démocratiques généraux visant à renforcer la simplicité, la clarté, la pertinence et l’efficacité du dispositif québécois.

Parmi les recommandations figurent notamment la volonté de fonder le régime d’encadrement et la définition des activités de lobbyisme sur la pertinence de l’information pour le citoyen, et d’encadrer les activités de lobbyisme exercées par tout représentant d’intérêts agissant pour le compte d’un individu ou d’une entité de quelque nature que ce soit, incluant tout groupement d’entités. Aussi, la réforme préconise de supprimer les notions de rémunération et de seuil minimal d’activités pour que la loi trouve application, et d’exiger de tout individu ou entité désirant accomplir, avec ou sans intermédiaire, des activités de lobbyisme qu’il s’enregistre au système de divulgation établi par la loi. L’objectif de favoriser et promouvoir une vision positive du lobbying est également mentionné. Enfin, une autre recommandation prévoit de faire reposer la responsabilité de la divulgation davantage sur les entreprises et organisations que sur les individus qui effectuent des activités pour le compte de ces dernières, par l’adoption de cadres de gouvernance internes qui prévoient les bonnes pratiques à observer pour assurer le respect de la Loi et du Code.

Cette proposition de réforme présentée en 2019, a fait l’objet d’un rapport d’évaluation de l’OCDE publié en juillet 2022. L’OCDE relève entre autres que le cadre législatif pourrait prévoir que la qualité de lobbyiste s’apprécie en considérant l’ensemble des activités de la personne morale concernée, et non celles des personnes physiques qui la composent, afin de déterminer des seuils plus pertinents déclenchant une obligation d’inscription au registre.

L’OCDE souligne également la nécessité de conférer au commissaire au lobbyisme un pouvoir de sanctions administratives pécuniaires.



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