La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ne reçoit ni ne sollicite aucune instruction d’aucune autorité. Son indépendance est garantie par le fonctionnement de son collège et son autonomie administrative et financière.
13 propositions pour permettre une meilleure application de la loi et un approfondissement du cadre d’intégrité.
L’année 2024 s’est déroulée dans un contexte politique inédit : élections européennes, élections législatives anticipées, succession de quatre Gouvernements... Comment la Haute Autorité est-elle parvenue à faire face à ces différentes échéances ?
Jean Maïa : La nomination d’un nouveau Gouvernement en début d’année, l’élection des représentants français au Parlement européen au mois de juin, immédiatement suivie de la dissolution de l’Assemblée nationale et des élections législatives anticipées, puis enfin, la démission et la formation de deux gouvernements successifs en septembre et en décembre, ont eu un impact très important sur l’activité de la Haute Autorité. Ont été déposées plus de 13 000 déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts de responsables publics nouvellement élus ou nommés, ou dont le mandat ou les fonctions ont pris fin, ce qui a fait de 2024 l’un des exercices déclaratifs les plus soutenus depuis la création de l’institution. Les mouvements au sein des gouvernements et des cabinets ministériels ont donné lieu à un nombre d’avis sans précédent sur des projets de nomination à des emplois publics et de mobilité vers le secteur privé. Enfin, les inscriptions et déclarations d’activités et de moyens sur le répertoire des représentants d’intérêts tenu par la Haute Autorité ont continué de progresser.
Dans ce contexte exceptionnel, la Haute Autorité s’est fortement mobilisée pour assurer les contrôles dont elle a la charge, dans le strict respect des délais légaux. Elle a également mis en œuvre un accompagnement renforcé des responsables publics et des représentants d’intérêts assujettis à des obligations déclaratives ou déontologiques, afin qu’ils en aient la meilleure connaissance et compréhension possible, et qu’ils s’en acquittent dans les conditions qui s’imposent à eux.
Le 25 juillet 2024, le législateur a confié à la Haute Autorité une nouvelle mission visant à prévenir l’ingérence étrangère en France. La Haute Autorité appelait-elle de ses vœux cette nouvelle responsabilité ? Comment l’institution anticipe-t-elle l’entrée en vigueur prochaine du nouveau répertoire ?
J. M. : Renforcer la transparence des actions d’influence d’États étrangers en France et prévenir les risques qu’elles peuvent faire peser sur nos institutions est aujourd’hui une nécessité. La Haute Autorité s’est saisie de cette question dès 2023 et a travaillé avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’identification des évolutions à apporter au dispositif français de prévention de ces risques. Elle dispose d’une expertise et de leviers pour avoir accès à une information structurée en la matière, qui justifiaient que le législateur lui confie cette nouvelle responsabilité.
Depuis l’adoption de cette loi, la Haute Autorité examine le risque d’influence étrangère que présentent les projets de mobilité vers le secteur privé des responsables publics. Elle a par ailleurs vocation à gérer, à partir du 1er juillet 2025, un nouveau répertoire destiné à assurer la transparence des activités d'influence lorsqu’elles sont réalisées pour le compte d’un mandant étranger. Les modalités de mise en œuvre de ce registre doivent être précisées par décret.
Cette nouvelle responsabilité implique pour la Haute Autorité d’adapter en conséquence son organisation et son fonctionnement, notamment le dimensionnement de son système d’information et de ses effectifs. Il est donc nécessaire qu’elle s’accompagne d’un renforcement des moyens dont elle est dotée, sauf à risquer de compromettre sa capacité à réaliser effectivement cette nouvelle mission.
Vous venez d’être nommé à la présidence de la Haute Autorité et en devenez ainsi le troisième président, succédant à Jean-Louis Nadal et Didier Migaud. Que retenez-vous de l’héritage de vos prédécesseurs ?
J. M. : Les actions remarquables du président Jean-Louis Nadal et du président Didier Migaud, auxquels il faut associer le président Patrick Matet qui a exercé ces derniers mois un intérim dans un contexte institutionnel inédit, ont permis à la Haute Autorité de devenir l’institution de référence en matière de transparence de la vie publique et le partenaire privilégié des agents publics, des élus et des administrations sur les questions de déontologie.
Son ancrage dans le paysage institutionnel français s’illustre d’ailleurs par le fait que le législateur étoffe régulièrement ses missions, comme en témoigne la loi du 25 juillet 2024, que je viens d’évoquer. De fait, la Haute Autorité a démontré sa capacité à faire face à d’importants enjeux de transformation internes depuis sa création en 2013.
La Haute Autorité est d’ores et déjà bien identifiée au-delà même de nos frontières et participe régulièrement aux réflexions au niveau européen en matière de transparence et d’intégrité publique. Son implication dans la création du Réseau européen d’éthique publique en 2022, dont elle a assuré la présidence jusqu’à la fin de l’année 2024, constitue un des aspects de son rayonnement.
De nombreuses évolutions en matière de probité et d’intégrité de la vie publique ont eu lieu depuis la création de la Haute Autorité. Dans ce contexte, comment concevez-vous les perspectives de l’institution ? Quels axes prioritaires de progression identifiez-vous ?
J. M. : Dans un contexte où nos concitoyens doutent de la probité des responsables publics, il est crucial que la Haute Autorité préserve son rôle de « tiers de confiance » entre eux et les responsables publics. Notre premier axe de travail est la consolidation de sa capacité à effectuer ses missions historiques de contrôle des déclarations, de la compatibilité des projets de mobilité entre les secteurs public et privé, et des activités de représentation d’intérêts, et les nouvelles, relatives à la transparence des activités d’influence étrangère. Cet objectif va de pair avec la poursuite des efforts d’accompagnement des responsables publics et de rationalisation de ses procédures.
Deuxième axe de travail, un effort pour mieux diffuser la doctrine de la Haute Autorité, qui se trouve régulièrement en situation d'apprécier l'existence d'un risque pénal, déontologique et réputationnel, dans une grande diversité de situations. Ce faisant, elle forge, sous le contrôle du juge, un corpus doctrinal qu’elle a vocation à rendre aussi accessible et lisible que possible afin que toutes les personnes concernées – et elles sont nombreuses – puissent le consulter aisément.
Enfin, il importe que la Haute Autorité s’ancre encore davantage dans son environnement local, national et international. Le dialogue avec les élus, les juridictions et les administrations, mais également avec les organes parlementaires de déontologie, les associations d’élus, les réseaux de déontologues est fondamental pour l’amélioration de son action. La Haute Autorité a aussi vocation à continuer de faire connaître le modèle français de prévention des atteintes à la probité au-delà de nos frontières, et à contribuer aux progrès, notamment au niveau européen, de la diffusion d’une culture de l’intégrité.
Jean Maïa
Président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
Nombre de membres
Budget annuel
Agents permanents au 31 décembre 2024
Pages vues
sur hatvp.fr
Nombre d'appels et de courriels traités dans le cadre de l’assistance aux responsables publics et aux représentants d’intérêts
Interventions extérieures
Déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts reçues
Déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts contrôlées
Relances
Injonctions
Dossiers transmis à la justice pour non-dépôt de déclaration
Déclarations contrôlées considérées entièrement conformes aux exigences d’exhaustivité, d’exactitude et de sincérité
Déclarations contrôlées ayant nécessité le dépôt d’une déclaration modificative
Responsables et agents publics contrôlés ayant fait l’objet d’un rappel aux obligations déclaratives
Avis rendus sur des projets de mobilité entre les secteurs public et privé
Avis de compatibilité
Avis de compatibilité avec réserves
Avis d’incompatibilité
Entités inscrites sur le répertoire au 31 décembre 2024
Fiches d’activités déclarées sur le répertoire au titre de l’exercice 2023
Contrôles
Contrôles des non-inscrits
dont 75 % ont abouti à une inscription sur le répertoire
Contrôles des déclarations annuelles
dont toutes ont donné lieu à des modifications dans les déclarations
Formation du gouvernement de Monsieur Gabriel Attal
Intervention de Didier Migaud, président de la Haute Autorité, devant les ministres de la fonction publique de l’Union européenne, lors de la réunion ministérielle du Réseau européen des administrations publiques (EUPAN) à Gand
Publication du rapport de l’OCDE, « Renforcer la transparence et l’intégrité des activités d’influence étrangère en France »
Réunion annuelle du Réseau des registres européens du lobbying
Audition de Didier Migaud devant la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France
Audition de Didier Migaud devant la commission des lois du Sénat sur la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques
Publication et bilan des déclarations des sénateurs de la série 1 élus en 2024
Audition de Didier Migaud devant la commission d’enquête sénatoriale sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères
Élections des représentants français au Parlement européen
5ème Rencontre annuelle des référents déontologues
Élections législatives consécutives à la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée le 9 juin 2024 par le Président de la République
Publication du bilan de l’exercice 2023 des déclarations d’activités des représentants d’intérêts
Promulgation de la loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France
Formation du gouvernement de Monsieur Michel Barnier, et démission du président de la Haute Autorité, Didier Migaud, nommé garde des sceaux, ministre de la justice
Nomination de Patrick Matet, membre du collège de la Haute Autorité, en tant que président par intérim
Assemblée générale du Réseau anticorruption de l’Union européenne (EACN)
Assemblée générale du Réseau européen d’éthique publique (ENPE)
Décision du Conseil d’État
n° 472123, Institut Montaigne
Formation du gouvernement de Monsieur François Bayrou
Les événements politiques et électoraux survenus en 2024 ont nécessité un accompagnement particulièrement soutenu en raison du renouvellement très important des responsables publics assujettis à des obligations auprès de la Haute Autorité, qui a entraîné plusieurs vagues de déclarations de la part des responsables publics nouvellement élus, nommés et en fin de fonctions, ainsi que de nombreux mouvements au sein des cabinets ministériels.
La Haute Autorité a également poursuivi et renforcé ses efforts d’accompagnement à l’égard des représentants d’intérêts, notamment au travers d’actions de sensibilisation spécifiques à l’échelon local, alors que 2024 était la première année complète d’application des nouvelles lignes directrices entrées en vigueur le 1er octobre 2023. L’activité de conseil déontologique est en évolution : la Haute Autorité a rendu douze avis déontologiques en 2024 du fait de la mise en place progressive des référents déontologues des élus locaux depuis juin 2023 et des nombreux échanges quotidiens entre la Haute Autorité, ces derniers et les administrations.
Aussi, les actions de sensibilisation et de formation se sont renforcées. En 2024, la Haute Autorité a réalisé 57 interventions extérieures, auprès de publics divers, à la demande des administrations et des collectivités mais aussi d’établissements d’enseignement secondaire et supérieur.
Enfin, l’institution a poursuivi ses actions au sein des instances et réseaux européens pour promouvoir l’élaboration de mécanismes d’intégrité et de prévention de la corruption plus efficaces dans un contexte d’actualité européenne particulièrement riche en la matière, avec notamment l’instauration, le 15 mai, d’un organe éthique interinstitutionnel de l’Union européenne.
En 2024 s’est déroulé l’un des exercices déclaratifs les plus soutenus qu’a connu la Haute Autorité depuis sa création. Outre l’élection des députés européens, la tenue d’élections législatives anticipées a causé une surcharge d’activité inattendue. Ainsi, la fin de mandat des députés consécutive à la dissolution de l’Assemblée nationale et les élections législatives ont, à elles seules, conduit au dépôt de près de 1 300 déclarations. La formation de trois gouvernements et la constitution des cabinets ministériels ont également provoqué un afflux de déclarations.
La Haute Autorité a contrôlé 5 122 déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale en 2024 (2 816 déclarations d’intérêts et 2 306 déclarations de situation patrimoniale), volume inédit depuis sa création, dont une grande part (2 171) a concerné les déclarations des sénateurs et des députés. Concomitamment, la Haute Autorité a procédé au contrôle de près de 1 000 déclarations déposées par des membres du Gouvernement ou par les membres de leurs cabinets.
En 2024, la Haute Autorité a rendu publiques 2 410 déclarations, dont 1 817 sur son site internet. Au 31 décembre 2024, 10 999 déclarations pouvaient être consultées, dont 10 356 sur le site internet de la Haute Autorité, le reste des déclarations rendues publiques étant mis à la disposition des citoyens en préfecture.
L’année 2024 s’est traduite par un nombre sans précédent de saisines au titre des mobilités et pré-nominations. Ainsi, la Haute Autorité a été saisie de 7513 projets de mobilités entre les secteurs public et privé et a rendu à ce titre 639 avis. La fin de fonctions des membres des cabinets du Gouvernement de Monsieur Gabriel Attal et la formation du Gouvernement de Monsieur Michel Barnier ont donné lieu à un afflux de saisines aux mois de septembre (90 saisines) et d’octobre (146 saisines).
Malgré le nombre très élevé de saisines reçues en 2024, la Haute Autorité a respecté les délais qui lui sont imposés et a amélioré certains d’entre eux. Ainsi, les avis préalables à la nomination ont été rendus dans un délai moyen de huit jours, tandis que les avis portant sur des projets de mobilité vers le secteur privé ont été rendus dans un délai moyen de 42,1 jours.
Sur la totalité des avis rendus par la Haute Autorité en 2024 à la suite des projets de mobilité entre les secteurs public et privé dont elle a été saisie, la part des avis de compatibilité assortis de réserves reste globalement stable, en légère diminution pour la première fois depuis quatre ans. À l’instar des années précédentes, la Haute Autorité a rendu plus de 95 % d’avis de compatibilité, dont 74,3 % accompagnés de réserves (hors avis d’irrecevabilité et d’incompétence et non-lieu à statuer). Pour la première fois depuis quatre ans, la part des avis de compatibilité simple a légèrement augmenté (21,3 %, contre 18 % en 2023).
Le bilan réalisé en 2024 au titre de l’exercice déclaratif pour l’année 2023 met en évidence la hausse du nombre de représentants d’intérêts qui ont publié des informations sur le répertoire au cours de l’année 2023 ainsi que la hausse des fiches d’activités déclarées en moyenne. Au total, 15 633 fiches d’activités ont été renseignées, soit une hausse de 15 %. Le bilan révèle également une meilleure qualité des déclarations, avec plus de 74 % des objets déclarés conformes aux exigences minimales attendues. Les secteurs ayant concentré le plus d’activités de représentation d’intérêts sont l’agriculture et l’agroalimentaire, l’environnement et l’énergie.
La Haute Autorité a réalisé 112 contrôles au cours de l’année 2024, dont 75 contrôles de non-inscrits et 37 contrôles de déclarations annuelles. 79 % des contrôles de non-inscrits ont donné lieu à une inscription au répertoire.
Concernant l’exercice déclaratif 2024, une nette amélioration du taux de dépôt dans le délai légal est constatée : 2 893 représentants d'intérêts inscrits au répertoire et dont l'exercice comptable se clôturait le 31 décembre 2024 avaient jusqu'au 31 mars 2025 pour déclarer leurs activités de représentation d'intérêts effectuées en 2024, ainsi que les moyens alloués à ces actions. Près de 68 % ont effectué leur déclaration dans le délai légal, un résultat en nette progression par rapport à l'exercice précédent (59 % pour l'exercice 2023) qui peut s'expliquer par des rappels préalables plus précoces et nombreux que les années précédentes.
