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La lettre internationale de la Haute Autorité – Juillet 2020

La lettre internationale de la Haute Autorité – Juillet 2020

L’arrivée de l’été n’a été synonyme de pause ni pour la Haute Autorité, qui connaît une activité importante ces dernières semaines, ni pour l’actualité sur les questions d’intégrité publique au plan international. La lettre de juillet illustre en particulier trois principes communs dans la promotion de l’intégrité publique.

Tout d’abord, la liberté de la presse et les enquêtes ambitieuses menées par des acteurs tels que Corporate Europe Observatory ou l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) aident citoyens et institutions à décrypter des mécanismes d’influence et à y déceler des pratiques contraires à l’éthique. Ensuite, l’exemple de la Tunisie, de la Malaisie, des Etats-Unis et du Canada, où les représentants des plus hautes fonctions de l’Etat sont amenés à rendre des comptes devant les citoyens et la justice de leur pays, nous rappelle qu’un système d’intégrité exige l’exemplarité au plus haut niveau de l’Etat. Enfin, l’importance de procédures indépendantes est soulignée par la potentielle instrumentalisation de la justice à des fins politiques au Nigéria, et par les scandales qui ont terni l’image de la Banque africaine de développement ces derniers mois avant que les accusations ne soient identifiées comme non-fondées par un comité indépendant.

ORGANISATIONS INTERNATIONALES

La lettre internationale de la Haute Autorité – Juillet 2020

CONSEIL DE L’UNION EUROPEENNE

Les États de l’Union Européenne (UE) ont publié le 15 juillet les détails d’un compromis visant à publier plus systématiquement les documents de négociation au sein du Conseil de l’UE. Il s’agit en partie de formaliser des pratiques qui avaient déjà cours sur la publication des propositions de la Commission, des agendas des groupes de travail ainsi que des documents servant de support aux trilogues, incluant les positions initiales et le résultat des négociations. Cependant, cet accord ne couvre pas les documents dits « quatre colonnes » utilisés dans les trilogues pour comparer les positions des trois institutions (Commission européenne, Conseil de l’UE et Parlement européen) et le compromis en cours d’élaboration. (Contexte, 16 juillet 2020) (Council of the European Union, 7 juillet 2020)

COMMISSION EUROPEENNE

Une nouvelle enquête du Corporate Europe Observatory (CEO) s’intéresse aux efforts de lobbying déployés par les industriels pour tenter d’influencer le projet de « Green New Deal » européen (EGD), qui prévoit une nouvelle stratégie de croissance découplée de l’utilisation de ressources. L’EGD a été l’un des sujets les plus visés par des actions de représentation d’intérêts dans les derniers mois. Selon CEO, « les cent premiers jours après le lancement du Green Deal européen le 11 décembre 2019 ont été cruciaux pour orienter des éléments clés du projet, tels que la loi sur le climat, et a montré une vague d’activités de lobbying. » Pendant cette période, les principaux membres de la Commission en charge de l’EGD (la Présidente Von der Leyen, le commissaire Timmermans, le commissaire Simson, leurs cabinets, et les directeurs généraux de l’énergie et du climat) auraient rencontré 151 fois les représentants d’intérêts commerciaux et industriels (11 réunions par semaine) contre 29 fois pour des représentants de l’intérêt public (environ 2 réunions par semaine). (Corporate Europe Observatory, 7 juillet 2020)

MEDIATRICE EUROPEENNE

La médiatrice de l’Union européenne, Emily O’Reilly, a décidé le 6 juillet d’ouvrir une enquête sur un contrat conclu par la Commission européenne avec la société américaine BlackRock, considérée comme l’institution financière la plus puissante au monde avec ses 5 500 milliards d’euros d’actifs, dont un tiers en Europe. Cette décision fait suite à une plainte de la part d’ONG et de 84 eurodéputés s’inquiétant que ce fonds très puissant, qui est notamment actionnaire ou auteur de missions d’audit pour des banques, se voie confier une mission portant précisément sur la surveillance bancaire, et notamment sur l’incorporation dans celle-ci de « facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance ». (Le Monde, 7 juillet 2020) (Financial Times, 9 juillet 2020)

 

La lettre internationale de la Haute Autorité – Juillet 2020

Le président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, a été entièrement disculpé de toute corruption ou mauvaise gestion de l’institution par un panel d’experts indépendants dirigés par l’ancienne présidente irlandaise Mary Robinson. Le panel dirigé par Mme Robinson, avocate qui fut aussi Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme de 1997 à 2002, a considéré notamment que les lanceurs d’alerte n’avaient pas apporté de preuves à leurs accusations. Ces accusations datant d’avril 2020 ont cependant terni l’image du président de la BAD, dont la réélection semblait assurée au début de l’année, avec le soutien de l’Union africaine et après une importante augmentation de capital en octobre 2019. (France Info, 30 juillet 2020) (Reuters, 28 juillet 2020)

ZONES GEOGRAPHIQUES

La lettre internationale de la Haute Autorité – Juillet 2020

BULGARIE

Depuis début juillet, des milliers de manifestants arpentent les rues de Sofia pour dénoncer un «climat mafieux» et les liens tacites entre oligarques et politiques, preuves pour eux de la corruption qui gangrène le pays depuis de nombreuses années. Après deux semaines de manifestations incessantes, l’heure est aux concessions pour le Premier ministre, Boïko Borissov, qui a annoncé la démission de trois de ses ministres le 15 juillet. Mais la foule ne décolère pas, et exige la démission de Borissov lui-même. Les protestations ont débuté lorsque le parti au pouvoir a fait voter une loi au Parlement pour réduire l’espace de zone naturelle protégée, de sorte à pouvoir les rendre constructibles. (Libération, 23 juillet 2020) (Reuters, 13 juillet 2020)

La lettre internationale de la Haute Autorité – Juillet 2020

TUNISIE

Le chef du gouvernement tunisien, Elyes Fakhfakh, fragilisé par une affaire de conflit d’intérêts, a présenté sa démission le mercredi 15 juillet. Le parti Ennahda, qui compte six ministres au gouvernement, avait dans la journée déposé une motion de défiance contre le premier ministre, mettant en avant les soupçons de corruption pesant sur lui. M. Fakhfakh, ancien cadre d’une filiale de Total, est sous le coup d’une enquête parlementaire pour ne pas avoir cédé la gestion de ses parts dans des sociétés d’assainissement qui ont remporté d’importants marchés publics au cours des derniers mois. (Le Monde, 15 juillet 2020) (France 24, 15 juillet 2020)

ISRAEL

En Israël, des manifestants expriment leur opposition au Premier ministre Benjamin Netanyahu, accusé de corruption, dans une gronde sociale déclenchée par sa gestion de la pandémie de Covid-19. A quelques mètres de sa résidence à Jérusalem, ils étaient des milliers le 26 juillet à dénoncer un gouvernement « corrompu » et « déconnecté de la réalité », qui prend des mesures « illogiques » contre le coronavirus et néglige selon eux les plus fragiles. Au pouvoir sans discontinuer depuis 2009, Benjamin Netanyahu a été inculpé en novembre 2019 pour corruption, abus de confiance et malversation dans une série d’affaires, ce qui est inédit pour un chef de gouvernement israélien en cours de mandat. (Le Point, 26 juillet 2020) (Al Jazeera, 22 juillet 2020)

La lettre internationale de la Haute Autorité – Juillet 2020

GAMBIE

 Le 15 juillet 2020, le Department of Justice américain a annoncé la saisie des biens de l’ancien Président Gambien Yahya Jammeh. De son coup d’État réussi en 1994 à sa fuite du pays en 2017, sa carrière a été marquée par des violations des droits de l’homme, par la corruption et une répression brutale contre les opposants politiques. En exploitant des milliers de document confidentiels, l’OCCRP avait reconstitué en 2019 une version détaillée de l’économie privée de Jammeh en cartographiant les relations entre les personnes, entités gouvernementales et entreprises locales et étrangères dans l’orbite du président. Les sources ont montré comment Jammeh avait réorienté l’État gambien pour qu’il fonctionne comme une banque gérée par son bureau et à son profit. (US Department of Justice, 15 juillet 2020) (OCCRP, 29 Mars 2019)

NIGERIA

Le président nigérian Muhammadu Buhari a suspendu le directeur de la principale agence nationale anti-corruption le 10 juillet après des accusations de détournements de fonds. Ibrahim Magu, directeur de la Commission des crimes économiques et financiers (EFCC), est interrogé par un «comité spécial d’enquête» pour s’expliquer sur des accusations «de détournements de biens saisis et d’insubordination», mais les autorités refusent de dire que cet ancien proche du président a été formellement arrêté. Ibrahim Magu était l’un des piliers de la présidence de Muhammadu Buhari, qui avait fait de la lutte contre la corruption l’un de ses principaux objectifs de gouvernance. Cette affaire, que beaucoup suspectent d’être avant tout politique, intervient après la fuite d’une note du procureur général datant de juin, contenant une série d’allégations contre Magu. De nombreux observateurs ont dénoncé des accusations motivées par des intérêts politiques, étant donné que de nombreux membres de l’élite financière et politique nigériane souhaitent l’évincer. (Le Figaro, 10 juillet 2020) (Financial Times, 16 juillet 2020)

ZIMBABWE

L’un des journalistes les plus influents du Zimbabwe, Hopewell Chin’ono a été arrêté le 20 juillet. Il avait révélé il y a quelques semaines un scandale de corruption autour de l’achat de matériel médical. Hopewell Chin’ono a été inculpé d’incitation à la violence, tout comme Jacob Ngarivhume, un homme politique qui dirige la petite formation d’opposition Transform Zimbabwe Party. Ces dernières semaines, Chin’ono avait révélé un scandale qui a mené au renvoi du ministre de la Santé, Obadiah Moyo, alors que le pays fait face à une explosion des cas de malades du Covid-19. Il a été inculpé pour avoir octroyé un contrat à une entreprise qui vendait du matériel médical à des prix bien plus élevés que ceux du marché, ce qui laisse la place à des soupçons de corruption et de rétro-commissions. (Courrier International, 22 juillet 2020) (BBC, 20 juillet 2020)

 

La lettre internationale de la Haute Autorité – Juillet 2020

CANADA

Le Premier Ministre canadien Justin Trudeau a présenté des excuses et reconnu avoir fait «une erreur» en participant aux discussions sur un contrat attribué à l’association We Charity alors que sa mère, son frère et son épouse avaient été rémunérés par cette association ces dernières années. Il a toutefois assuré ignorer le montant des sommes qui ont été versées à sa mère et à son frère. Le contrat pour la gestion d’un programme de bourses étudiantes de près d’un milliard de dollars canadiens a depuis été retiré à cette organisation, qui l’avait obtenu sans appel d’offres. La controverse a rebondi lorsque We Charity a reconnu, avoir versé près de 300 000 dollars à la mère et au frère de M. Trudeau pour des prises de parole ces dernières années. Le Commissaire à l’éthique va étendre l’enquête visant M. Trudeau au ministre des Finances Bill Morneau. M. Trudeau a déjà été visé à deux reprises depuis 2017 par le Commissaire à l’éthique pour avoir enfreint la loi sur les conflits d’intérêts. (Le Figaro, 16 juillet 2020) (BBC, 28 juillet 2020)

ETATS-UNIS

La Cour suprême des États-Unis a infligé jeudi un revers à Donald Trump, en jugeant qu’un procureur new-yorkais était en droit de réclamer les archives comptables du président américain, y compris ses déclarations d’impôt. Dans sa première décision, la Cour suprême a clairement contredit Donald Trump qui, au nom de son statut présidentiel, refuse de transmettre toute une série de documents financiers à la justice de l’État de New York. « Aucun citoyen, pas même le président, ne peut éviter d’avoir à produire des documents en cas d’enquête pénale », a écrit le chef de la Cour, John Roberts, au nom de la majorité. « Le président ne jouit pas d’une immunité absolue », a-t-il ajouté. Cependant, dans une deuxième décision, la Cour a rejeté la demande des démocrates de transférer ces documents au Congrès. (Sud Ouest, 9 juillet 2020) (CNBC, 9 juillet 2020)

La lettre internationale de la Haute Autorité – Juillet 2020

MALAISIE

Le verdict rendu le 28 juillet par un juge de la haute cour de Kuala Lumpur est sans précédent dans l’histoire de la Malaisie : l’ancien premier ministre Najib Razak, chassé du pouvoir lors des élections de 2018, a été condamné à douze ans de prison pour corruption, blanchiment d’argent et abus de pouvoir. Il a également été condamné à payer une amende de 210 millions de ringgits (42 millions d’euros). Une telle sentence est une première dans une nation dont le crédit démocratique s’était affaissé durant les neuf années de Najib Razak au pouvoir. L’ex-premier ministre était accusé de sept chefs d’accusation liés au détournement de 42 millions de ringgits (8,4 millions d’euros) d’une filiale du fonds souverain 1Malaysia Development Berhad (1MDB). (Le Monde, 29 juillet 2020) (BBC, 28 juillet 2020)

Une autre nouvelle remet le scandale 1MDB (qui a donné lieu au détournement d’environ 3,5 milliards de dollars issus du fonds souverain malaisien 1MDB au profit de ses directeurs et d’hommes d’affaires proches du pouvoir malaisien) au cœur de l’actualité. La Malaisie s’est en effet engagée le 24 juillet à abandonner les poursuites judiciaires à l’encontre de la banque Goldman Sachs en échange de 3,9 milliards de dollars de réparations. La banque avait été accusée par la Malaisie d’avoir aidé au détournement de cet argent en organisant des émissions d’obligations d’un total de 6,5 milliards de dollars, sur lesquelles la banque d’investissement avait touché 600 millions de dollars de commission. (RTS, 24 juillet 2020) (Reuters, 24 juillet 2020)

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