La lettre internationale de la Haute Autorité – Février 2021

La lettre internationale de la Haute Autorité – Février 2021

En février, les débats sur la création d’un organe éthique indépendant au niveau des institutions européennes s’accélèrent alors que plusieurs études documentent les lacunes du système d’intégrité européen.

Au Royaume-Uni, les conflits d’intérêts autour de la gestion de la Covid-19 se multiplient. La capacité d’influence de la reine d’Angleterre sur la législation britannique suscite le débat. En Espagne, les procès pour corruption ébranlent le parti populaire.

Le combat contre la corruption prend un coup d’arrêt au Brésil avec la fin de l’opération Lava Jato, tandis que le président philippin revoit à la baisse ses ambitions d’éradiquer complètement la corruption. Au Japon, le premier ministre Suga est quant à lui dans une position délicate en raison des conflits d’intérêts de son fils.


UNION EUROPÉENNE

La lettre internationale de la Haute Autorité – Février 2021

Après l’avis positif de la commission des affaires juridiques du Parlement européen pour la création d’un organe éthique indépendant, le rapporteur écologiste allemand Daniel Freund cite la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique comme un « exemple ». « Une autorité indépendante et unique en charge du contrôle, de la mise en œuvre et des sanctions sur les règles d’éthiques des organismes publics est un outil puissant et efficace », selon lui. Le Parti populaire européen est toutefois réticent et veut cantonner le futur organe à un rôle consultatif non contraignant sur les déclarations des commissaires, sans pouvoir d’enquête ni mandat sur les parlementaires et le pantouflage. Un amendement d’un de ses élus va jusqu’à refuser la création de cet organe d’éthique au nom de « l’équilibre institutionnel » actuel. (Contexte, 24 février 2021)

Selon une étude commandée par les Verts au Parlement européen, la distribution de subventions européennes ferait l’objet de manipulations politiques et favoriserait dans certains pays des structures oligarchiques. Prenant l’exemple des subventions agricoles qui atteignent 60 milliards d’euros chaque année, l’étude montre comment de petites exploitations agricoles en Europe centrale et en Europe de l’Est sont systématiquement désavantagées en matière d’attribution de financements, tandis que celles qui présentent des liens avec le gouvernement récoltent la plupart des financements. En Hongrie, 10% des bénéficiaires reçoivent 70% des financements depuis 2008. D’après l’étude, le gouvernement Orban exploiterait les subventions agricoles européennes pour accroître son influence. Des centaines de milliers d’hectares de terres ont été loués à des individus qui disposent de bons contacts avec le parti Fidesz au pouvoir, ce qui leur permet d’obtenir par la suite les subventions européennes. Les mesures existantes pour empêcher les abus sont inefficaces d’après l’étude. (EUReporter, 26 février 2021)

La lettre internationale de la Haute Autorité – Février 2021

La médiatrice européenne ouvre une enquête sur l’agence européenne de défense (AED). Emily O’Reilly veut faire la lumière sur la nomination de l’ancien directeur général de l’AED, Jorge Domecq, comme chef du département des affaires publiques de la filiale espagnole du constructeur aéronautique Airbus. La médiatrice s’inquiète des potentiels conflits d’intérêts de cette nomination, alors qu’Airbus était un prestataire de l’AED lorsque Jorge Domecq était en fonction. (Contexte, 25 février 2021)

L’ancien commissaire allemand Günther Oettinger, qui s’est occupé successivement de l’énergie, du numérique et du budget européen entre 2009 et 2019,  est à nouveau au cœur d’une polémique sur ses activités post-mandat. Parmi les dizaines d’autorisations d’activités que l’ancien commissaire a demandées à la Commission européenne, la Médiatrice européenne s’est penchée en particulier sur celle de consultant pour l’agence Kekst CNC qui compte comme client Philip Morris International. La Médiatrice se demande si l’exécutif européen, en donnant son feu vert à Günther Oettinger, a bien respecté ses engagements avec la convention-cadre de l’OMS en matière d’encadrement du lobbying de l’industrie du tabac. (Contexte, 16 février 2021)

La lettre internationale de la Haute Autorité – Février 2021

L’agence européenne de garde-frontières est à nouveau mise en cause pour ses liens avec des lobbyistes. Premier corps armé en uniforme de l’Union européenne, l’organisme n’aurait pas déclaré ses liens avec l’industrie de l’armement et de la surveillance. L’enquête menée par l’ONG Corporate Europe Observatory montre qu’entre 2018 et 2019, 91 des 125 lobbyistes reçus par Frontex n’étaient pas inscrits au registre de transparence de l’UE. En raison de la très forte hausse des moyens financiers de l’agence pour 2021-2027, le marché du contrôle des frontières concentre l’attention d’un nombre croissant de représentants d’intérêts. (Le Monde, 5 février 2021)

La lettre internationale de la Haute Autorité – Février 2021

L’eurodéputé allemand Daniel Freund alerte sur les déclarations du registre de transparence européen, qu’il estime inexactes et peu plausibles dans l’ensemble. Près de 135 organisations n’ont déclaré aucune dépense de lobbying alors qu’elles sont dans le registre depuis plusieurs années. 599 sous-déclaraient leurs dépenses de lobbying par rapport au nombre de lobbyistes dans ces organisations. A l’inverse 71 organisations déclarent des dépenses de lobbying importantes mais peu de lobbyistes. Le manque de moyens humains du secrétariat du registre est avancé pour expliquer les failles de la collecte de données. (Contexte, 22 février 2021)

La lettre internationale de la Haute Autorité – Février 2021

Une étude récente de Transparency International révèle que Google, Facebook, Apple et Microsoft dominent la représentation d’intérêts non seulement à Bruxelles mais aussi dans les capitales européennes telles que Paris, Dublin et Londres. Les représentants de Google, Microsoft et Facebook sont les plus reçus par les commissaires européens en 2020. Google dépenserait 5 750 000 d’euros par an en lobbying sur les affaires européennes. Transparency International montre aussi l’influence de ces lobbys sur la politique nationale, et leurs actions de coalition pour orienter la législation européenne. En Irlande, 54% des activités de représentation d’intérêts de Google sont dirigées vers les décisions de l’UE, principalement en matière de protection des données et de droit d’auteur. L’absence de registre des représentants d’intérêts en Allemagne empêche de documenter l’ampleur de la représentation d’intérêts au Bundestag. (Transparency International, 25 février 2021)

Transparency International a pointé du doigt les zones grises de la transparence du Parlement européen dans sa récente série de rapports sur l’intégrité des institutions européennes. L’absence de compte à rendre du bureau du Parlement et de l’administration de l’institution, l’absence de contrôle d’éventuels conflits d’intérêts pour les députés, le passage de certains élus dans le privé après leur mandat, la rareté des sanctions en cas d’infractions au code de conduite sont notamment visés. L’ONG demande à ce que le futur organe éthique européen soit indépendant, doté de ressources suffisantes et commun a minima aux trois institutions principales de l’Union (Parlement, Commission, Conseil). (Contexte, 5 février 2021)


ZONES GÉOGRAPHIQUES

 

La lettre internationale de la Haute Autorité – Février 2021

ALLEMAGNE

Les bureaux du député allemand Georg Nüblein ont été fouillés jeudi 25 février dans une affaire de corruption. Le Bundestag a préalablement levé l’immunité parlementaire de ce responsable du parti Chrétien démocrate (CSU). Cette perquisition s’inscrit dans une enquête sur des soupçons de corruption d’élus dans l’achat de masques pour la Covid-19. Le député est suspecté d’avoir reçu 650 000 euros de commission pour avoir servi d’intermédiaire entre un producteur de masques et le gouvernement fédéral et bavarois. Monsieur Nüblein est expert en matière de santé à la CSU et est le numéro deux de l’alliance conservatrice CDU/CSU au Bundestag. (Politico, 25 février 2021)

BOSNIE

La communauté internationale demande aux autorités bosniennes d’adopter une loi sur la prévention des conflits d’intérêts. La délégation de l’Union européenne, l’ambassade des États-Unis et la mission de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe ont insisté sur l’alignement de l’encadrement des conflits d’intérêts avec les normes internationales. Les délégations ont rappelé qu’il s’agissait d’une condition à la reconnaissance du statut de candidat de la Bosnie à l’adhésion à l’UE. Le texte présenté en décembre dernier par le ministère de la justice bosnien ne contenait pas d’avancées suffisantes sur la prévention des conflits d’intérêts et a été renvoyé au gouvernement par la chambre des représentants. (Sarajevo Times, 12 février 2021)

CHYPRE

Des centaines de manifestants se sont réunis à Nicosie le 13 février pour protester contre des scandales de corruption en pleine crise sanitaire. Les passeports dorés délivrés à des investisseurs étrangers, et qui auraient favorisé corruption et blanchiment d’argent, continuent de faire polémique. Supprimé en novembre dernier, ce dispositif critiqué par l’Union européenne, a poussé le président du Parlement, Demetris Syllouris, à la démission. Ce dernier est toutefois parti avec une généreuse indemnité de départ. (L’Express, 13 février 2021)

ESPAGNE

Un procès s’ouvre contre le parti populaire espagnol (PP), sur une affaire de financement occulte. Après des années de silence, l’ancien trésorier du PP, Luis Barcenas, se déclare prêt à collaborer avec la justice. Il pourrait détailler les mécanismes de financement du PP durant des décennies et le recours systématique à des commissions exigées aux entreprises en échange de contrats publics. L’ancien trésorier purge actuellement une peine de 29 ans de prison pour corruption et s’estime injustement abandonné par ses anciens compagnons politiques. Les prochaines audiences devraient voir se succéder les anciens chefs du gouvernement José Maria Aznar (1996-2004) et Mariano Rajoy (2011-2018). (Les Echos, 8 février 2021)

ROYAUME-UNI

Des sympathisants du parti conservateur ont été favorisés dans la passation de marchés publics liés à la Covid-19. Pour une éditorialiste du Guardian ce scandale n’est que symptomatique de l’entre-soi de la classe politique britannique. Le manque de transparence sur les contrats publics a permis à un cénacle de fournisseurs privilégiés d’obtenir en priorité les marchés, à des prix surestimés, selon des ONG qui ont porté l’affaire devant la juridiction suprême britannique. Plus globalement, l’absence de mécanisme de contrôle éthique véritable de la classe politique est critiquée. (The Guardian, 22 février 2021)

Selon Buckingham Palace, la reine Elizabeth n’aurait pas cherché à bloquer une législation affectant sa fortune personnelle. Une enquête du Guardian a révélé que la reine aurait demandé, à partir de 1973, des avis juridiques sur des textes visant à accroître la transparence de son portefeuille d’actions. Selon le Guardian, la reine aurait abusé de « l’accord de la Reine », pouvoir qui lui permet d’être notifiée des débats législatifs en avance. Buckingham avance que cet accord purement formel a toujours été accordé au gouvernement, mais le Guardian estime que cette procédure aurait permis au monarque d’influencer secrètement la législation britannique. (Politico, 8 février 2021)

La lettre internationale de la Haute Autorité – Février 2021

ISRAËL

À l’ouverture de son procès, Benjamin Netanyahou clame son innocence. Inculpé de fraude, abus de confiance et corruption, le Premier ministre israélien nie sa culpabilité. Le tribunal de Jérusalem doit décider du calendrier des audiences de centaines de témoins, alors que le pays est en pleine campagne électorale. Les élections législatives doivent se tenir le 23 mars. C’est la première fois qu’un premier ministre en exercice est inculpé. La Covid-19 a motivé plusieurs fois le report du procès. Devant la résidence du Premier ministre, des citoyens continuent de siéger depuis plusieurs mois. (Les Echos, 8 février 2021)

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BRÉSIL

La plus vaste opération anticorruption brésilienne, « Lava Jato », a été discrètement démantelée après sept années d’existence et des centaines de condamnations de grands patrons et de politiciens (dont l’ex-président Lula). Ce « lavage express » a révélé un vaste système de corruption avec des ramifications dans toute l’Amérique latine et en Afrique. L’entrée du juge anti-corruption Sergio Moro dans le gouvernement Bolsonaro en 2019 avait ébranlé la crédibilité de Lava Jato. La condamnation de Lula avait dès lors été soupçonnée de partialité. Des révélations ultérieures ont documenté l’instruction à charge menée contre Lula. Lava Jato a toutefois permis de mettre fin à un cartel de corruption, mais le Brésil stagne à la 98ème place de l’indice de perception de la corruption établi par Transparency International. (Le Figaro, 9 février 2021)

ÉTATS-UNIS

La Maison blanche lève ses règles éthiques pour permettre à une employée du département de la sécurité intérieure de travailler sur des sujets sur lesquels elle a été auparavant lobbyiste pour Amnesty International. Il s’agit de la première suspension des règles éthiques de l’administration Biden, moins d’un mois après avoir adopté son engagement éthique par décret présidentiel. Le texte du décret présidentiel laissait entendre que les demandes de suspension des règles éthiques seraient accordées plus facilement aux agents qui ont travaillé précédemment sur du plaidoyer pour des ONG que pour d’autres intérêts du secteur privé. (Axios, 19 février 2021)

La lettre internationale de la Haute Autorité – Février 2021

JAPON

Le premier ministre Yoshihide Suga est au cœur d’une polémique en raison des conflits d’intérêts qui pèsent sur son fils. Employé d’une grande compagnie de production télévisuelle japonaise, le fils du premier ministre a invité des employés du ministère des télécommunications à des dîners pour près de 4600 euros. D’après les lignes directrices d’éthique japonaises, les agents publics ne peuvent accepter de cadeaux ou de repas d’entreprises qui tombent sous leur juridiction. Le gouvernement a adopté ces lignes de conduite en 2000, suite à un grand scandale de corruption en 1998. (Nikkei Asia, 25 février 2021)

PHILIPPINES

Le président Rodrigo Duterte a admis qu’éradiquer totalement la corruption était impossible. Duterte a régulièrement exprimé sa frustration à l’égard de la corruption dans l’administration philippine, l’amenant même à évoquer sa démission. Mettre un terme à la corruption figurait dans les promesses de campagne du président philippin en 2016. En 2020, Rodrigo Duterte a ordonné au ministère de la justice de conduire une enquête sur l’ensemble du gouvernement en matière de corruption. (Philippine Daily Inquirer, 25 février 2021)

 

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