La lettre internationale de la Haute Autorité – Décembre 2020-Janvier 2021

La lettre internationale de la Haute Autorité – Décembre 2020-Janvier 2021

Ce début d’année appelle d’abord à un bilan sur l’activité de représentation d’intérêts en 2020 : celle-ci a connu une très forte hausse aux États-Unis, intensifiée par les dépenses des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) et les dispositions législatives prises en réponse à la pandémie. Les règles sur la représentation d’intérêts au sein des institutions européennes ont quant à elles été réformées sans conditionner totalement l’accès aux décideurs politiques à l’inscription au registre de transparence de l’Union européenne.

Candidat, Joe Biden esquissait lui-même une réforme en profondeur du lobbying à Washington, voire la constitution d’une agence fédérale d’éthique. Lors de son premier jour à la Maison Blanche, le président démocrate a adopté un décret présidentiel pour un engagement éthique. Le décret réaffirme l’interdiction faite aux membres de son administration d’accepter des présents de représentants d’intérêts. Le texte introduit des interdictions nouvelles pour les reconversions professionnelles des membres de l’administration Biden, portant à deux ans l’interdiction de travailler comme représentant d’intérêts sur des sujets liés à un emploi précédemment occupé. Les membres de l’administration ne peuvent pas se reconvertir  comme agents étrangers et ne peuvent pas entrer en communication avec les agences fédérales et les hauts fonctionnaires de la Maison blanche après leurs fonctions.

Comme chaque début d’année, l’indice de perception de la corruption de Transparency International montre des progrès encore insuffisants. Selon l’ONG, la pandémie favorise la corruption dans le domaine de la santé. Les centres de quarantaine au Yémen en sont un exemple. Au Royaume-Uni aussi, la pandémie se traduit par un relâchement des règles d’attribution des marchés publics et des soupçons de conflits d’intérêts. Le Conseil de l’Europe appelle enfin l’Allemagne à renforcer ses règles éthiques.


UNION EUROPÉENNE

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Les 26 et 28 janvier les parlementaires européens ont pu examiner le rapport pour avis de Radan Kanev et le rapport de Daniel Freund sur l’organe éthique européen. Les débats ont montré que plusieurs groupes continuent de soutenir la création d’un organe éthique, rappelant que ce projet est un engagement de la Commission européenne et que l’ensemble des Spitzenkandidat (têtes de liste pour la présidence de la Commission en 2019), y compris de droite, avaient soutenu l’idée d’un organe éthique. Toutefois, le groupe PPE (droite chrétienne démocrate), qui détient le plus grand nombre de sièges au Parlement européen, est plus en retrait sur la création de cet organe. Les arguments avancés par les députés PPE sont d’éviter la multiplication d’organes mais aussi le souci de préserver l’indépendance politique du Parlement européen. (Contexte, 29 janvier 2021)

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Les représentants d’intérêts ont désormais l’obligation de s’inscrire sur le registre de transparence de l’Union européenne, qui concerne maintenant le Parlement, la Commission mais aussi le Conseil. Toutefois, les ambitions initiales de la réforme sont diminuées puisque l’inscription au registre ne sera pas une condition sine qua non pour rencontrer des décideurs publics. Les ambassadeurs des États membres devront publier leurs rendez-vous avec des représentants d’intérêts six mois avant la présidence du Conseil par leur pays respectif et durant les six mois que dure celle-ci. Au Parlement européen, les règles en vigueur sont maintenues. Les députés ne seront pas tenus de publier leurs rencontres, sauf les rapporteurs, rapporteurs fictifs (rapporteur représentant le point de vue de son groupe politique sur un sujet) et présidents de commission. (Le Monde, 31 décembre 2020, The Parliament, 11 décembre 2020)

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Les montants dépensés en représentation d’intérêts à Bruxelles par les GAFA n’ont jamais été aussi élevés. Des stratégies destinées à freiner les futures régulations européennes les concernant ont notamment été divulguées. La stratégie de Google, par exemple, impliquait de passer par des « alliés universitaires » chargés de relayer des doutes sur les futurs encadrements, d’éroder le soutien au sein même de la Commission ou encore d’entretenir un différend commercial transatlantique en enrôlant des responsables américains contre la politique européenne. (The New York Times, 14 décembre 2020, Le Figaro, 15 décembre 2020)

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La médiatrice européenne a lancé le 24 janvier une enquête relative à la transparence de la Commission européenne sur les négociations vaccinales. L’enquête fait suite à la plainte de Corporate Europe Observatory, qui reproche à la Commission de ne pas avoir respecté plusieurs demandes d’accès au contrat passé avec l’entreprise pharmaceutique AstraZeneca et de ne pas avoir communiqué les noms des négociateurs européens. (RTBF, 24 janvier 2021, Corporate Europe Observatory, 22 janvier 2021)

 

ORGANISATION INTERNATIONALES

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Le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) appelle à un meilleur encadrement du lobbying, davantage de transparence au niveau du gouvernement fédéral et des dispositions pour régir les conflits d’intérêts en Allemagne. Dans son rapport d’évaluation du cinquième cycle, le GRECO salue la directive anticorruption mais appelle à compléter ce cadre par une plus grande promotion de l’intégrité publique des hauts responsables de l’exécutif. Le lobbying qu’effectuent d’anciens membres du gouvernement pour le compte de grandes entreprises est notamment pointé du doigt. Le GRECO appelle à des obligations claires pour que les ministres fédéraux et secrétaires d’État déclarent leurs conflits d’intérêts au cas par cas ainsi que leurs intérêts financiers.  Est enfin préconisé une extension de la période de latence entre la sortie du gouvernement et l’acceptation d’un emploi dans le secteur privé et son application aux directeurs généraux d’administration. (Conseil de l’Europe, 15 décembre 2020, Le Figaro, 15 décembre 2020)

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L’ONG Transparency International dresse un bilan de ses pactes d’intégrité déployés en Hongrie, en Grèce et en Slovaquie. Ces projets associent l’ONG, les autorités publiques et les contractants pour accroître la transparence des marchés publics. Ces pactes d’intégrité ont été reconnus par la Commission européenne comme moyens d’encourager le contrôle citoyen de grands projets d’infrastructures, alors que l’UE allouera un trillion d’euros au cours des dix prochaines années dans le cadre du Pacte Vert. (Transparency International, 11 décembre 2020)

 

ZONES GÉOGRAPHIQUES

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ESTONIE

Un scandale de corruption a conduit le Premier ministre, Jüri Ratas, à démissionner le 13 janvier. Dans son sillage, c’est l’ensemble du gouvernement qui a suivi, formé d’une coalition du Parti du centre, de conservateurs et de l’extrême droite. Des membres de l’EKE, parti de M. Ratas, sont visés par une enquête criminelle pour des faits de corruption, impliquant l’autorisation d’un projet immobilier à Tallinn contre un don au parti d’un million d’euros. La Présidente estonienne, Kersti Kaljulaid, a demandé à la cheffe du Parti de la réforme, et figure de l’opposition, Kaja Kallas, de former le prochain gouvernement. (The New York Times, 13 janvier 2021, Le Figaro, 13 janvier 2021)

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

La République tchèque devrait rembourser près de 450 millions de couronnes tchèques (environ 18 millions d’euros) à l’Union européenne en raison des conflits d’intérêts du président tchèque Andrej Babis, selon l’eurodéputé tchèque de l’opposition Tomas Zdechovsky. Citant un audit confidentiel mené par la Commission européenne, le député membre de la commission des budgets au Parlement européen revient sur les conflits d’intérêts du président Babis et de sa société Agrofert, qui a bénéficié de subventions européennes. (Radio Prague International, 03 décembre 2020, Politico, 01 décembre 2020)

ROUMANIE

L’ancien homme fort du Parti social-démocrate (PSD) roumain a été inculpé par le parquet anticorruption. Liviu Dragnea est accusé de corruption après sa participation à la cérémonie d’investiture du président américain Donald Trump en janvier 2017. Il aurait obtenu des bénéfices indus pour lui-même et son parti à hauteur de 380 000 dollars selon le parquet roumain. (Le Figaro, 14 janvier 2021, BalkanInsight, 15 janvier 2021)

ROYAUME-UNI

Les médias britanniques font état de contrats de plusieurs millions de livres sterling d’argent public passés en toute opacité avec des entrepreneurs « amis » du Parti conservateur pendant la pandémie de Covid-19. Des entreprises qui ne bénéficient d’une expérience que très limitée en matière d’équipements sanitaires et de test ont obtenu des contrats qui n’ont pas été rendus publics. Les règles ordinaires d’attribution de marchés publics ont été momentanément suspendues au début de la crise sanitaire pour raison d’urgence. (Le Monde, 23 décembre 2020, The New York Times, 17 décembre 2020)

RUSSIE

Suite à l’arrestation de la figure de l’opposition russe, Alexeï Navalny, ses équipes entendent poursuivre les activités de sa fondation anticorruption. Le jour de l’arrestation de l’opposant, un reportage été publié par son équipe sur les dépenses somptuaires de Vladimir Poutine, le présentant comme détenteur d’un palais sur la Mer Noire. Navalny a été arrêté à son retour d’Allemagne, où il avait été soigné d’une tentative d’assassinat à l’agent Novitchok. Jugé pour violation de son contrôle judiciaire, il a depuis été condamné par la justice russe à trois ans et demi de prison. Des milliers d’arrestations préventives ont eu lieu pour empêcher les soutiens au camp Navalny, et les principaux cadres de sa fondation font l’objet d’assignation à domicile (Financial Times, 22 janvier 2021, Le Monde, 17 janvier 2021)

SUISSE

Le milliardaire franco-israélien Benny Steinmetz a été condamné le 22 janvier 2021 à cinq ans de prison ferme pour corruption d’agents publics étrangers dans une affaire d’attribution de licences minières en Guinée Conakry. Au terme d’un procès inédit en Suisse, qui aura duré sept ans, l’homme d’affaires a été reconnu coupable d’avoir versé près de 10 million de dollars de pots-de-vin à Mamadie Touré, quatrième épouse de l’ancien dictateur guinéen. (FranceInfo Afrique, 26 janvier 2021, Libération, 23 janvier 2021)

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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

La nouvelle agence de prévention et de lutte contre la corruption, l’APLC, est au cœur d’une polémique sur ses méthodes d’investigation dans une affaire de blanchiment d’argent impliquant la banque nigériane Access Bank. Dans le cadre de l’enquête, deux agents de l’APLC ont saisi des documents de la banque sans mandat ni réquisition du parquet puis exigé une caution pour la libération du directeur de la banque, placé en détention préventive et privé de son passeport. Des voix s’élèvent pour la mise en place d’un parquet financier face aux déboires de l’agence de lutte contre la corruption. (CGNT, 19 décembre 2020)

 

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YÉMEN

Libération et Arab Reporters for Investigative Journalism (ARIJ) ont publié l’enquête d’un journaliste yéménite qui révèle un système de corruption autour des centres de quarantaine contre la Covid-19. Le pays multiplie les mesures d’isolement dans des lieux sous-équipés et bondés. Les conditions sanitaires dramatiques de ces centres permettent à des soignants ou des gardes de monnayer l’évasion des personnes placées en quarantaine. (Libération, 12 décembre 2020, ARIJ, 12 décembre 2020)

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BRÉSIL

Le groupe de travaux publics Odebrecht a une nouvelle fois été condamné pour corruption dans la construction d’une route en Colombie. L’amende s’élève à 50 millions de dollars. Odebrecht et ses partenaires colombiens ont détourné des fonds d’exécution du contrat pour payer un fonctionnaire du gouvernement qui les a favorisés dans l’attribution des travaux. Ces faits entrent dans le cadre de corruption organisée par Odebrecht (désormais Novonor) au niveau mondial depuis plus d’une décennie, ayant abouti au paiement de centaines de millions de dollars de pots-de-vin dans différents pays. (France 24, 28 décembre 2020)

ÉQUATEUR

L’ex-vice-président équatorien Jorge Glas, déjà emprisonné dans le cadre du vaste scandale de corruption Odebrecht, a été condamné à une nouvelle peine de huit ans de prison pour détournement de fonds publics dans un contrat pétrolier. Selon le Parquet, l’État a subi un préjudice de quelques 28 millions de dollars en raison d’irrégularités dans l’adjudication d’un champ d’exploitation pétrolière. (RTL, 25 janvier 2021)

ÉTATS-UNIS

Le président Biden a adopté par décret présidentiel un engagement éthique, plus strict que ceux de ses prédécesseurs, et qui s’appliquera aux 1200 positions qui nécessitent la confirmation du Sénat. Donald Trump a quant à lui révoqué son propre engagement éthique durant les dernières heures de son mandat, autorisant ainsi les membres de son administration à devenir immédiatement représentant d’intérêts. Le décret Biden réaffirme l’interdiction faite aux membres de son administration d’accepter des présents de représentants d’intérêts, et porte l’interdiction de travailler sur des sujets liés à un emploi précédemment occupé à deux ans. Les membres de l’administration ne peuvent pas non plus travailler ensuite comme agents étrangers et ne peuvent pas entrer en communication avec les agences fédérales et les hauts fonctionnaires de la Maison blanche. Enfin, les parachutes dorés, moyen pour un employeur privé de récompenser la prise d’une fonction publique, sont interdits. (Government Executive, 20 janvier 2021)

Au moins 28 responsables de fondations Biden ont rejoint la nouvelle administration ou travaillé dans l’équipe de transition. Selon l’ancien responsable de l’éthique de George Bush, le président Joe Biden et sa famille devrait rompre les liens avec l’Institut Biden et la fondation Beau Biden, qui reposent sur des levées de fonds. Les donateurs de ces fondations devraient également être rendus publics. La fondation Clinton, géant philanthropique américain, avait par le passé attiré l’attention lorsqu’Hillary Clinton avait candidaté comme présidente des États-Unis. Toutefois, contrairement à la fondation Clinton, les fondations Biden refusent déjà des donateurs étrangers ou encore les dons de l’industrie pharmaceutique. (Politico, 18 janvier 2021)

Les activités de représentation d’intérêts aux États-Unis ont cru en 2020 durant la pandémie. La plupart des dépenses en lobbying ont concerné les législations sur le plan de relance. Les 40 plus grosses entreprises américaines ont dépensé 619 millions de dollars en plaidoyer, en hausse de 8% par rapport à 2019. Facebook, Amazon et Comcast, en trio de tête, ont tous augmenté leurs dépenses de représentation d’intérêts de 7 à 18%. (Bloomberg Government, 26 janvier 2021)

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CHINE

Lai Xiaomin, ex-PDG d’un fonds d’investissement, a été exécuté pour corruption en Chine le 29 janvier. La justice lui reprochait d’avoir obtenu 215 millions d’euros de pots-de-vin. La Chine a lancé une vaste campagne anti-corruption en 2012, après l’arrivée du président Xi Jinping à la tête du Parti Communiste Chinois (PCC). Plus d’un million et demi de cadres du PCC ont été sanctionnés. Cette opération, populaire auprès de l’opinion, est également soupçonnée de servir à écarter les personnalités opposées à la ligne du président. (Le Monde, 29 janvier 2021, The Guardian, 5 janvier 2021)

INDONÉSIE

Le ministre indonésien des affaires sociales a été arrêté par la police, qui le soupçonne d’avoir accepté 1,2 million de dollars de pots-de-vin liés à l’aide alimentaire distribuées aux populations touchées par le coronavirus. Juliari Batubara est le deuxième ministre du président Joko Widodo à être interpellé en quelques semaines pour des soupçons de corruption. Il aurait touché plus d’un million de dollars d’entreprises choisies pour fournir des colis d’aide alimentaire aux personnes affectées par la pandémie. (Le journal de Montréal, 06 décembre 2020, The Jakarta Post, 6 décembre 2020)

 

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