« La coordination avec le fisc pourrait être améliorée »

Entretien accordé par Jean-Louis Nadal au magazine Marianne

Propos recueillis par Arnaud Bouillin — N° du 5 au 11 février 2016

Marianne : Un avocat célèbre a présenté la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, que vous présidez, comme un « truc populiste » qui crucifie médiatiquement les responsables publics. Que lui répondez-vous ?

Jean-Louis Nadal : Le procureur que je fus n’a jamais donné plus d’importance qu’il n’en faut au verbe des prétoires qui est fait pour détourner l’attention de l’essentiel : un ancien ministre a été condamné en première instance pour avoir signé des déclarations mensongères. Fondamentalement, les français veulent plus de transparence et d’exemplarité républicaine. Non pas au nom d’une curiosité malsaine ou d’une morale intolérante mais parce que c’est une véritable nécessité démocratique dans nos sociétés modernes. C’est l’inverse du populisme qui, lui, se nourrit de la défiance de nos concitoyens. Pierre Rosanvallon l’écrit de façon éclairante dans son dernier ouvrage [le Bon Gouvernement, Seuil].

Modestement, le travail de la Haute Autorité, c’est de tenter, grâce aux moyens que la loi lui donne, de prévenir l’enrichissement frauduleux comme les conflits d’intérêts problématiques de ceux qui représentent la République.

Vous aviez remis l’an dernier au Président de la République 20 propositions pour améliorer l’exemplarité de la vie publique. Quelles sont celles qui ont trouvé une traduction concrète ? Et celles dont vous regrettez qu’elles soient restées en suspens ?

Quand vous rédigez un rapport sur un sujet qui vous tient à cœur, vous êtes bien évidemment impatient de le voir se concrétiser. Je me réjouis ainsi de la prochaine extension aux fonctionnaires et aux magistrats judiciaires des principes déontologiques prévus par les lois sur la transparence de la vie publique. On me dit aussi qu’un projet de loi sur la transparence de la vie économique pourrait reprendre ma proposition de création d’un registre des lobbies. Aujourd’hui, le lobbying nourrit beaucoup de fantasmes et en ce domaine, la transparence me semble une réponse appropriée à condition que ce registre ne se réduise pas à un simple annuaire ! Pour le reste, je dois relever que mes propositions, qu’il s’agisse d’une réforme du rôle de la CDBF, de l’article 40 du code de procédure pénale ou du contrôle du financement public des partis politiques sont restées lettres mortes.

Estimez-vous que la HATVP dispose aujourd’hui des moyens suffisants pour mener à bien ses contrôles ? Vos équipes ont-elles aujourd’hui facilement accès aux données fiscales et aux signalements de Tracfin ?

Les moyens juridiques dont disposent aujourd’hui la Haute Autorité sont sans commune mesure avec ce qui existait par le passé et sont un facteur clé de succès pour mener à bien nos missions. Néanmoins aujourd’hui, à la lumière de nos deux premières années de fonctionnement, il me semble que la coordination avec le fisc pourraient être améliorée afin d’accélérer les délais de vérification des déclarations.

La Haute Autorité doit pouvoir procéder elle-même aux vérifications les plus courantes en accédant directement aux fichiers dont elle a besoin. C’est là une des demandes à l’adresse du Gouvernement qui figurera dans le rapport d’activité de la Haute Autorité que je remettrai dans quelques jours au Premier ministre.

On doit rendre la Haute Autorité plus indépendante et ainsi plus à même de traiter avec célérité les vérifications auxquelles elle doit procéder.

Au-delà des situations individuelles de tel ou tel élu, la question du financement des partis politiques n’en finit pas de polluer notre vie publique. Quel rôle pourrait jouer la HATVP dans ce chantier ?

Les carences de notre législation et de son contrôle sont pointées à l’occasion d’affaire récentes comme anciennes. De nombreux experts comme ceux du Conseil de l’Europe émettent régulièrement un avis très critique sur notre droit en la matière. Dans notre activité, nous avons nous-mêmes constatés de nombreux sujets d’attention.

A ce propos, j’ai formulé des recommandations qui n’ont reçu qu’un accueil poli. A mon avis, il est temps de procéder à une refonte totale du système de contrôle du financement de la vie politique. Les dizaines de millions d’euros d’argent public versés par les français pour faire vivre leur démocratie partisane, ce qui est évidement un grand bien, doivent être contrôlés par la Cour des Comptes qui possède l’expertise et l’aura pour conduire cette activité d’une impérieuse nécessité.

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