Étude comparative des dispositifs d’encadrement du lobbying

La Haute Autorité publie un recensement des dispositifs d’encadrement du lobbying dans 41 juridictions. Cette étude couvre l’intégralité des États membres de l’Union européenne, des pays tels que le Canada, le Chili ou les États-Unis, des initiatives locales comme celle de la Catalogne, ou encore le dispositif existant au sein des institutions européennes.

La confiance dans les institutions passe par une meilleure information sur la manière dont sont prises les décisions publiques. La transparence des interactions entre représentants d’intérêts et responsables publics apparaît ainsi cruciale pour veiller à l’intégrité publique dans le processus normatif.

Dans le but de mettre en lumière les « pratiques de transparence » qui existent au niveau européen et mondial, le tableau de recensement comprend des informations détaillées relatives aux différentes lois, règlements et codes de conduite  en vigueur dans les juridictions sélectionnées pour encadrer les activités de représentation d’intérêts, ainsi que sur les institutions chargées d’appliquer ces règles. Compilant des données présentes dans les rapports du Groupe d’États contre la corruption (GRECO), de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), du Parlement européen, de Transparency International ainsi que dans des articles de recherche, textes législatifs et ressources en ligne dans chaque pays, ce document permet d’appréhender, entre autres, la diversité des définitions de la représentation d’intérêts, le champ des responsables publics concernés, ou encore les moyens de contrôles prévus par les différentes juridictions.

Cet état des lieux ouvre la voie à des échanges bilatéraux avec des institutions qui partagent la mission de contrôle des représentants d’intérêts de la Haute Autorité, afin d’approfondir la compréhension de leurs systèmes et de s’inspirer des bonnes pratiques en la matière. La publication est également l’occasion pour la Haute Autorité de renforcer ses relations avec les membres du Réseau des registres européens du lobbying, qui s’est réuni à Paris en mai 2019 et dont la Haute Autorité reprendra la présidence en avril 2021.

Cette analyse repose sur plusieurs critères déterminants dans l’encadrement du lobbying assurant un exercice sécurisé des activités de représentation d’intérêts auprès des décideurs publics :

  • L’existence d’une loi sur la représentation d’intérêts ;
  • L’obligation pour les représentants d’intérêts de s’inscrire sur un registre, les catégories de représentants d’intérêts qui sont tenus de s’enregistrer, et l’accessibilité du registre ;
  • Les responsables publics concernés par les activités de représentation d’intérêts et leurs obligations ;
  • Les informations devant être déclarées par les représentants d’intérêts et la fréquence à laquelle elles doivent être mises à jour ;
  • Les engagements déontologiques auxquels sont soumis les représentants d’intérêts ;
  • Le régime de sanctions applicable aux représentants d’intérêts qui manqueraient à leurs obligations ;
  • Les moyens de contrôle et d’enquête dont bénéficie la structure en charge d’assurer le respect des obligations déclaratives et déontologiques des représentants d’intérêts.

Existe-il une loi encadrant les pratiques de la représentation d’intérêts à l’échelle nationale ou locale ?

La moitié des juridictions étudiées présente une loi encadrant les pratiques du lobbying. Les exemples les plus récents sont ceux de la Lituanie et du Pérou.

Bien que l’Union européenne propose un cadre législatif pour la représentation d’intérêts au sein des institutions, de nombreux pays membres ne disposent pas de loi sur le sujet. Certains pays comme la Bulgarie ou la Finlande ont néanmoins engagé une réflexion sur un projet de loi d’encadrement du lobbying.

Les représentants d’intérêts ont-ils l’obligation de s’inscrire sur un registre ? Si oui, quels sont les catégories de représentants d’intérêts qui ont l’obligation de s’inscrire au registre et le registre est-il accessible en ligne ?

Près de 90% des juridictions qui présentent une loi encadrant le lobbying obligent les représentants d’intérêts à s’inscrire sur un registre. La Belgique et l’Italie, par le biais des règlements internes à leurs Chambres des députés obligent également l’inscription, bien qu’aucune loi d’encadrement n’existe.

L’inscription n’est pas obligatoire dans des pays comme le Chili ou la Hongrie, ni au sein du registre de transparence des institutions européennes.

Si elle n’est pas obligatoire, l’inscription au registre conditionne l’accès aux locaux du Parlement européen, ce qui représente une forte incitation. Néanmoins, certaines ONG, telles que Transparency International, et des eurodéputés souhaitent que les institutions restreignent leurs rendez-vous aux seuls lobbyistes enregistrés pour éviter les échanges hors des couloirs officiels et les négociations autour d’un registre européen obligatoire ont repris à l’automne 2020.

Les États-Unis, le Canada et l’Irlande prennent en compte toutes les personnes morales de droit privé et toutes les personnes physiques, que ce soient des lobbyistes professionnels ayant pour objet d’exercer des activités de lobbying au nom d’un client, ou des lobbyistes intervenant au sein de sociétés ou organisations. A l’inverse, en Australie et au Royaume-Uni, par exemple, le périmètre retenu ne prend en compte que les représentants d’intérêts agissant au nom de clients, excluant ainsi toutes les entreprises, associations, organisations et syndicats faisant du lobbying pour leur propre compte.

Le registre est accessible en ligne en données ouvertes dans seulement près de la moitié des juridictions étudiées. Certains registres en ligne sont en réalité proposés uniquement dans des formats difficilement exportables, comme c’est le cas en Allemagne, par exemple.

Qui sont les décideurs publics concernés et quelles sont leurs obligations ?

Les décideurs publics visés par l’encadrement du lobbying sont prioritairement les élus, auxquels s’ajoutent très souvent les membres de l’exécutif et les fonctionnaires. Au Canada et aux États-Unis, les législations dressent une liste détaillée des responsables publics susceptibles d’être des « cibles de lobbying », allant des plus hauts représentants de l’exécutif et du pouvoir législatif, jusqu’à tous les échelons de l’administration. Le Pérou et la Slovénie intègrent également les fonctionnaires ayant un pouvoir de décision. Les pays européens se concentrent majoritairement sur la branche législative : l’Italie et les Pays-Bas se restreignent ainsi à leurs députés. En Allemagne seuls les membres du Bundestag et du gouvernement fédéral sont pris en compte. Alors que l’Ecosse se concentre sur les participants directs à l’élaboration législative, la Catalogne inclut toutes ses entités administratives.

De plus, près du trois quart des juridictions étudiées imposent un délai durant lequel le décideur public ne peut effectuer de la représentation d’intérêts à partir du moment où il quitte son poste. Cette période d’attente peut aller jusqu’à cinq ans au Canada et peut être totale ou concerner seulement les domaines où l’individu a directement pris des décisions, comme en Espagne. D’autres pays comme la France ou la Suède contrôlent l’incompatibilité des reconversions professionnelles de certains agents publics ou membres du gouvernement, dans une période de trois ans. La Commission européenne contrôle également les reconversions des anciens membres dans un délai de deux ans.

Quelles informations les représentants d’intérêts doivent-ils déclarer et à quelle fréquence ?

Après la déclaration initiale effectuée, les informations figurant sur le registre doivent être régulièrement mises à jour. Dans la plupart des pays, cette responsabilité pèse sur les représentants d’intérêts. Aux États-Unis, par exemple, chaque lobbyiste enregistré doit fournir, tous les quatre mois, un rapport détaillé incluant notamment des informations financières précises sur les dépenses engagées pour chaque client représenté. Au Canada, des « rapports mensuels de communication » doivent mentionner toutes les rencontres effectuées avec un responsable public au cours du mois écoulé, et préciser les sujets abordés lors des échanges. Dans certains pays, cette obligation de mise à jour des informations pèse sur les responsables publics. C’est le cas au Chili, en Pologne, à Taïwan, et en Slovénie.

Les représentants d’intérêts sont-ils soumis à des engagements déontologiques ?

Près d’un tiers des juridictions étudiées ont fixé dans la loi des obligations déontologiques. En France, neuf obligations déontologiques incombent ainsi aux représentants d’intérêts tels que s’abstenir d’obtenir des informations des parlementaires par des moyens frauduleux, ou de leur remettre des présents. De telles obligations existent aussi en Belgique, en Catalogne, en Ecosse, en Irlande, en Lituanie ou encore au sein des institutions européennes.

Un quart des juridictions étudiées prévoit des formes d’autorégulation des lobbyistes, au travers de codes de bonne conduite établis par les associations de représentants d’intérêts comme en Italie, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni. Le reste des juridictions ne prévoit pas d’engagements déontologiques explicites.

Quel est le régime de sanctions pour les représentants d’intérêts qui manqueraient à leurs obligations ?

Dans certaines juridictions, la gestion du registre, ainsi que le contrôle des obligations déclaratives et déontologiques sont confiés à une institution indépendante investie de pouvoirs d’enquêtes et de sanction. C’est par exemple le cas au Canada, en France, en Irlande, en Lituanie et en Slovénie. Le non-respect des dispositions prévues par la loi entraîne des sanctions proportionnées (suspension du registre et interdiction d’exercer des activités de lobbying pendant une période donnée, amende) ou des poursuites judiciaires pouvant mener, dans les cas les plus graves, à une peine d’emprisonnement. Au Canada, par exemple, toute violation au code déclenche automatiquement une enquête du Commissariat au Lobbying suivi d’un rapport au Parlement rendu public.

Quels sont les moyens de contrôle et d’enquête dont bénéficie la structure en charge d’assurer le respect des obligations déclaratives et déontologiques des représentants d’intérêts ?

La question de l’encadrement des représentants d’intérêts est encore récente pour beaucoup de juridictions. Le manque de mécanismes de contrôle dans certains pays comme l’Allemagne ou l’Autriche s’expliquerait par une réticence des représentants d’intérêts à divulguer leurs clients et le nom de politiciens qui effectuent du lobbying pour leur compte. La France dispose quant à elle d’une unité dédiée au contrôle des représentants d’intérêts au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Elle peut notamment procéder à des enquêtes sur place et se faire communiquer toute information sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé. L’Irlande peut également procéder à des inspections sur place et prendre des extraits de tout document.

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