Dans le cadre d’un entretien que Jean Maïa a accordé au Monde, le président de la Haute Autorité exprime sa vision de l’institution et de son utilité, dresse le bilan de l’année 2024, et réclame plus de moyens.

« Pour l’autorité administrative indépendante, 2024 a été « une année record », avec une hausse de 40 % des contrôles par rapport à 2023. Sur les 13 000 déclarations de responsables publics, seules 5 000 ont pu être vérifiées, explique son président, Jean Maïa, dans un entretien au « Monde », appelant le gouvernement à augmenter le budget de l’institution.

Le 1er avril, l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, Jean Maïa, a pris ses fonctions de président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Née entre autres de l’affaire Cahuzac, en 2013, cette autorité indépendante a vu ses missions se multiplier, sans que son budget ne suive. M. Maïa annonce qu’il profitera des discussions sur le budget 2026 pour réclamer plus de moyens au gouvernement.

Quel bilan dressez-vous de l’année 2024 ?

Ce fut une année record pour la HATVP. L’une de ses missions est le contrôle des déclarations d’intérêts des responsables publics, obligatoires en début de mandat pour prévenir les conflits d’intérêts, ainsi que leurs déclarations de patrimoine – qui doivent être remplies en début et en fin de mandat pour contrôler l’absence d’enrichissement illicite. Au contrôle des déclarations des députés européens, qui était programmé, se sont ajoutés des contrôles imprévus, liés à la dissolution de l’Assemblée nationale et aux quatre gouvernements qui se sont succédé en 2024. Si, sur les 13 000 déclarations de responsables publics déposées à la HATVP, seules 5 000 ont pu être contrôlées. Cela a représenté une augmentation de 40 % de nos contrôles par rapport à 2023.

Une augmentation similaire de notre charge de travail a eu lieu en 2024 dans une autre mission, celle du contrôle de la mobilité des agents publics entre le public et le privé. Quant au contrôle des représentants d’intérêts [également appelés lobbyistes], il n’a pas non plus diminué.

Le budget de la HATVP est-il suffisant pour mener toutes ces missions, qui semblent prendre toujours plus d’ampleur ?

Mon devoir est de dire que nous avons besoin de plus de moyens financiers, humains et technologiques. Sans quoi, c’est l’effectivité de nos contrôles qui s’en trouvera atteinte et donc la crédibilité de l’institution. Je l’exprime avec toute la précaution et le sens des responsabilités qu’impose la situation actuelle des finances publiques.

En 2024, le budget de la HATVP s’élevait à moins de 10 millions d’euros. Ce n’est pas considérable à l’échelle des finances publiques. Et l’abondement de moyens que j’évoque est limité. Mais nous avons besoin d’embaucher et d’avoir de nouveaux outils numériques, pour améliorer à la fois l’interface avec les personnes qui doivent déposer des déclarations, notre cybersécurité et notre capacité de contrôle.

Je me tiendrai disponible à toutes les étapes de la préparation de la loi de finances 2026 pour expliquer les motifs de cette demande au gouvernement et aux parlementaires.

D’autant que vous héritez d’une nouvelle mission à compter du 1er juillet : celle d’encadrer l’influence étrangère, à travers la tenue d’un registre des activités d’influence…

Effectivement, cette mission nous a été confiée par la loi du 25 juillet 2024. L’enjeu est capital, car le nouveau registre que tiendra à jour la Haute Autorité permettra d’identifier les personnes ou les entités qui veulent influencer la décision publique par divers moyens, dont les opérations de communication au public, au nom d’Etats étrangers. Non seulement ces actions devront désormais être déclarées, mais la liste en sera ainsi accessible à tout un chacun. L’absence de déclaration pourra donner lieu à une sanction du juge.

Votre prédécesseur, Didier Migaud, réclamait d’ailleurs que la HATVP ait un pouvoir de sanction administrative, notamment en cas de non-dépôt d’une déclaration. Souscrivez-vous à cette demande ? Avez-vous en tête d’autres mesures utiles ?

Je reprends à mon compte cette demande. Actuellement, nous ne pouvons que signaler les absences de déclaration – qui entraînent des absences de contrôle – à la justice, ce qui ne permet pas forcément une réponse rapide.

Je fais également mienne la recommandation de la Haute Autorité que le dépôt des déclarations d’intérêts pour le gouvernement se fasse dans un délai de huit jours plutôt que de deux mois, afin d’améliorer la prévention d’éventuels conflits d’intérêts. Ce serait en tout cas dans l’intérêt des ministres eux-mêmes.

S’il fallait expliquer l’utilité de la HATVP au grand public, comment la définiriez-vous ?

Le grand public peut être tenté de céder au discours du « tous pourris », en ne retenant que les affaires qui font la une de l’actualité. Mais le travail préventif de la Haute Autorité, par la connaissance inédite qu’il donne de la réalité d’ensemble des responsables publics, peut contribuer à restaurer une forme de confiance entre les citoyens et leurs élus.

Nous pouvons ainsi démontrer que, depuis douze ans, l’immense majorité des responsables publics ont accepté de se plier à des obligations déclaratives et de transparence. On connaît désormais la réalité de leur situation patrimoniale et leurs intérêts et on constate que les cas d’enrichissement illicite sont résiduels. Les risques de conflits d’intérêts sont pris en compte par les élus, objectivés et de mieux en mieux circonscrits.

C’est un enjeu essentiel car, il faut le dire, au-delà des seules questions d’éthique, la probité des responsables publics est aussi une garantie d’efficacité de l’action publique. L’on s’en soucie moins dans des régimes non démocratiques…

La HATVP peut être, à mon sens, un motif de fierté pour la démocratie française, qui a été précurseur en instituant ces garanties de probité qu’on ne trouve pas ailleurs. Aujourd’hui, les mêmes questionnements aboutissent aux mêmes efforts ailleurs en Europe – c’est notamment le cas du tout récent organe d’éthique de l’Union européenne. »

Propos recueillis par Anne Michel et Laura Motet

 

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