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Dans le cadre d’un entretien que Jean Maïa a accordé à Acteurs Publics, le président de la Haute Autorité partage sa vision de l’intégrité publique à l’épreuve des mobilités entre secteurs public et privé, revient sur les principes qui guident l’action de la Haute Autorité et sur certains enjeux majeurs du mandat qu’il débute.

« Pour Acteurs publics, le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique revient sur les missions de la haute instance, à commencer par restaurer la confiance entre les concitoyens et les responsables publics. Jean Maïa a été nommé, le 1er avril 2025, président de la HATVP pour la dernière année à accomplir du mandat de Didier Migaud, démissionnaire en octobre 2024.

La défiance entre les élites et les citoyens reste importante et figurait au cœur de la logique qui présidait à la création de la HATVP. Que reste-t-il de cette ambition ?

La loi de 2013 créant la HATVP comportait effectivement cet objectif : contribuer à restaurer une forme de confiance entre nos concitoyens et les responsables publics. Douze ans plus tard, il peut y avoir quelques raisons de s’inquiéter. D’après les indices dont on dispose, les enquêtes disponibles, il semble que non seulement la confiance entre les concitoyens et la sphère publique ne se soit pas fortement améliorée, mais il semble même qu’il y ait une dégradation sur la question spécifique de la probité, l’objet premier des travaux de la HATVP. Je me réfère en particulier au baromètre de la confiance dans la vie publique produit par le Cevipof. Pour reprendre une expression de Didier Migaud, la HATVP doit avoir une fonction de tiers de confiance entre nos concitoyens et les responsables publics, au sens où l’exercice par la Haute Autorité de ses missions lui permet aujourd’hui d’avoir une connaissance des situations de probité que l’on n’avait jamais eue auparavant. Tous les mécanismes déclaratifs mis en œuvre et les contrôles opérés permettent d’avoir des éléments très objectifs à verser au débat. Au regard de cela, dans notre pays, l’essentiel des responsables publics se soumettent depuis douze ans à des disciplines que peut-être nos concitoyens ignorent mais qui sont exigeantes. Certains contrôles peuvent être considérés comme portant atteinte au respect de la vie privée des responsables publics. Mais le Conseil constitutionnel a jugé, en 2013, que le motif d’intérêt général le justifiait, en ce que ces contrôles permettent de contribuer à la restauration de la confiance entre nos concitoyens et lesdits responsables publics. Les contrôles opérés peuvent évidemment avoir des limites, mais sont de nature à rassurer nos concitoyens. L’opinion selon laquelle les responsables publics seraient “tous pourris” est infirmée, dans une très large mesure, par les contrôles opérés par la Haute Autorité. Dans une démocratie avancée, un dispositif tel que celui-ci a son importance pour dépasser un certain stade du débat autour de la probité.

Cette difficulté à convaincre, à modifier les perceptions autour d’un renforcement de la confiance dans la vie publique, tient-elle en partie à un problème de communication ? Comment procéder pour que les résultats soient perçus ?

Depuis douze ans, notre connaissance de la situation des responsables publics au regard des exigences de probité a considérablement progressé. Il faut pouvoir débattre de ces questions, mais désormais nous avons des éléments factuels à produire qui permettent de se rassurer dans une large mesure. Je n’ignore pas les difficultés qui peuvent demeurer et la nécessité de contrôler et de poursuivre certains faits, mais dans notre démocratie, nous avons franchi un pas important car nous connaissons beaucoup mieux la situation de ces responsables publics sous différents prismes. Je souhaite que ces données objectives soient diffusées de manière claire et intelligible auprès de nos concitoyens. »

Cette accumulation de données pourrait-elle vous conduire à créer votre propre baromètre ?

Il en existe déjà et je ne sais pas si c’est le rôle de la Haute Autorité que d’en produire à son tour alors que ses missions s’étoffent par ailleurs. Il est de la responsabilité du président de la Haute Autorité de contribuer au débat avec des éléments nouveaux. Ce débat est en réalité très ancien et le soupçon ne date pas d’aujourd’hui.

La HATVP a repris les missions de l’ex-Commission de déontologie de la fonction publique. Quelle approche en matière de culture administrative et de discours tenu aux employeurs publics entendez-vous impulser ?

C’est une des missions de la Haute Autorité que l’on pourrait qualifier d’encore relativement récente puisqu’elle date de 2020. J’ai la lucidité de reconnaître qu’il y a peut-être encore, de ci de là, des petites incompréhensions sur le sens même des missions. Il ne s’agit ni de brider la capacité des collectivités publiques à déployer des politiques de ressources humaines qui permettent de faire venir à elles les meilleures compétences ni d’entraver les mobilités entre le public et le privé – dans les deux sens d’ailleurs – qui peuvent également représenter une richesse pour la fonction publique. L’objet de cette mission reste véritablement de sécuriser ces parcours. En 2024, s’agissant des mobilités du public vers le privé, la Haute Autorité a rendu des avis d’incompatibilité dans seulement 8,5 % des cas ; des avis de compatibilité avec réserves dans 76,4 % des cas et, enfin, des avis de compatibilité simple dans 15,1 % des cas. Nous devons permettre aux employeurs publics et du privé ainsi qu’aux personnes effectuant ces parcours de bénéficier d’une maitrise du risque.

De quels risques parle-t-on ?

Il s’agit d’un risque de nature pénale, d’une part (l’infraction de prise illégale d’intérêts) et, d’autre part, d’un risque déontologique, avec cette innovation de la loi de 2013 dont l’objet était de donner, pour la première fois, une définition du conflit d’intérêts de niveau législatif. Le rôle de la Haute Autorité consiste à éclairer les uns et les autres sur les risques qui peuvent s’attacher à des parcours et, sauf impossibilité, à permettre que ces parcours s’opèrent dans un cadre bien déterminé, avec éventuellement des réserves. Ces réserves ne constituent en aucun cas des jugements dépréciatifs sur l’idée même qu’il puisse y avoir une mobilité. Je souligne à cet égard une petite ambiguïté qu’il convient de lever : une réserve ne vaut pas dépréciation.

Tout dépend de la réserve et de la publicité qui peut en être faite dans la presse ou sur le site web de la HATVP…

Les réserves dont nous parlons ne vont pas empêcher le projet de mobilité, dans l’essentiel des cas. J’y reviens : le sens de tout cela tient à la sécurisation. Les règles de droit pénal et déontologiques préexistaient à la Haute Autorité, qui ne les a pas créées. Ces règles font aussi l’objet de jurisprudence des deux ordres de juridiction. C’est au regard des termes de la loi, mais aussi de la jurisprudence que le collège de la HATVP se détermine. La HATVP se tient au côté des agents et des employeurs. En 2024, elle a traité 8 000 appels et emails en ce sens. De ce point de vue, l’anticipation et la bonne connaissance de ces règles sont les deux clés et peuvent être encore sources de progrès. Il est du rôle de la Haute Autorité de bien faire connaître sa doctrine parce que les règles dont nous parlons, pénales et déontologiques, restent d’une certaine généralité. Ce qui importe finalement aux personnes dont nous parlons, c’est de savoir dans quel cadre elles doivent procéder. Plus la Haute Autorité pourra la faire connaître, mieux les acteurs en présence pourront l’intégrer dans leurs projets et ces petites formes de tension que l’on observe parfois pourront, à mon avis, s’atténuer dans le temps. Il nous importe ici de faire vivre les règles que le législateur a édictées.

Quelles sont les principales tendances dans les mobilités ? Y a-t-il des nouveautés ?

Les mobilités à connotation internationale sont un point d’attention. La loi du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France renforce la mission de la HATVP en ce domaine, mais nous y veillions déjà.

La compréhension du conflit d’intérêts public-public entre-t-elle dans les mœurs ?

J’ai l’impression que nous allons peut-être atteindre une forme de consensus dans le pays sur ce sujet. Rappelons-nous que cette dimension du conflit entre deux intérêts publics n’apparaissait pas dans le rapport de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique de 2011 présidée par Jean-Marc Sauvé. C’est un choix du législateur en 2013 que de l’avoir intégrée. La HATVP milite depuis plusieurs années pour que cette notion disparaisse de la loi. Il existe en ce moment même des initiatives législatives et des réflexions gouvernementales en ce sens. Cette notion n’a jamais été centrale dans les inspirations originelles qui expliquent l’existence même de la Haute Autorité.

Le Conseil d’État a annulé en février dernier un avis d’incompatibilité émis par la HATVP sur le projet d’une fonctionnaire de rejoindre une entreprise publique compte tenu de ses précédentes fonctions en cabinet ministériel. Cette décision poussait à une forme de souplesse quant à l’appréhension du risque potentiel de prise illégale d’intérêts…

Dans ce dossier, c’est la notion de “contrat de toute nature” qui était en jeu. Il n’en reste pas moins vrai qu’il faut toujours faire preuve du discernement dans ces matières puisque, encore une fois, la définition pénale de la prise illégale d’intérêts et la définition du conflit d’intérêts que l’on retrouve dans la loi de 2013 sont des définitions très génériques. La raison d’être de la Haute Autorité réside dans son travail d’analyse des implications concrètes de chaque situation qui lui est soumise. Et il faut mener cette analyse avec discernement puisque, encore une fois, il ne s’agit pas d’entraver de manière générale la mobilité. Il faut bien apprécier la réalité du risque et sa consistance. Une fois qu’on l’a caractérisée, on en déduit éventuellement des réserves.

La définition du conflit d’intérêts élaborée en 2013 autour de la notion d’apparence est réputée l’une des plus exigeantes des pays de l’OCDE. Douze ans plus tard, reste-t-elle pertinente ?

Il est vrai que la définition du conflit d’intérêts donnée par la loi de 2013 est large, avec notamment cette dimension d’apparence qui est prévue. Le sens profond de ce choix du législateur vise en réalité à protéger l’administration alors que nous parlons de la confiance de nos concitoyens envers les autorités publiques. L’apparence compte aussi de ce point de vue. Et je suis convaincu que ce choix du législateur garde tout à fait son sens douze ans après.

Dès que l’on parle de l’apparence, on renvoie à la notion de perception et donc à celle de subjectivité…

C’est là qu’entre en ligne de compte la notion de discernement. Je pense qu’il est important que le raisonnement suivi par la HATVP, sous le contrôle des juges, puisse être connu et véritablement accessible. Pour aller au bout de la logique de 2013, le raisonnement de la HATVP, exigeant et qui a ses subtilités, doit pouvoir être connu de toutes et tous, de sorte que les acteurs puissent l’intégrer du mieux possible.

On entend chez certains agents une petite musique autour de l’entrave à la mobilité que représentent les exigences croissantes en matière de déontologie au moment même où le discours de l’État (notamment développé à l’occasion de l’élaboration de la loi de Transformation de la fonction publique de 2019 et de l’ordonnance réformant l’encadrement supérieur en 2021) pousse aux mobilités. Que répondez-vous ?

Que ces disciplines soient exigeantes pour les uns les autres, je ne dirais pas le contraire. Ce que j’ajouterais volontiers, c’est : était-ce mieux avant ? Je n’en suis pas certain, parce qu’en réalité, le risque pénal, par exemple, et même le risque déontologique préexistaient à la définition même du conflit d’intérêts dans la loi de 2013, sans que les personnes concernées aient été beaucoup accompagnées pour les appréhender.

L’affaire Pérol, qui préexistait aux lois de la confiance dans la vie publique et avait créé un fort émoi à l’époque, notamment au sein de la Commission de déontologie de la fonction publique, s’est soldée par une relaxe en appel…

C’est là que l’on s’aperçoit que ces notions restent d’un maniement délicat. Si l’on raisonne en termes de système, la volonté du législateur de 2013, qui vient de loin, vise à ne plus laisser les agents et leur administration seuls dans une forme d’indétermination pour affronter les situations. Le législateur a fait le choix de créer un dispositif d’ordre public, c’est-à-dire un dispositif préventif à même de leur permettre d’avancer de manière éclairée. Il reste toujours un contrôle juridictionnel car, rappelons-le, nous sommes dans un État de droit. Je me réjouis de constater, douze ans après le vote des lois de confiance dans la vie publique, que le contentieux contre les décisions de la HATVP reste faible volumétriquement parlant. Seule une quinzaine de contentieux ont été portés en douze ans devant le Conseil d’État, dont certains sont encore pendants devant le Conseil et dont plus des trois-quarts ont été rejetés. Encore une fois, le système établi en 2013 consiste à délivrer un contrôle préventif, sous le contrôle des juges, de nature à ne plus laisser les agents dans une incertitude propice à toutes les instrumentalisations. C’est beaucoup mieux pour tout le monde dans ce pays ! La transformation réalisée depuis douze ans reste assez spectaculaire. Les responsables publics se sont déjà appropriés les nouvelles règles, même si, naturellement, tout contrôle peut-être perçu comme une contrainte. Avec une doctrine de plus en plus accessible, on trouvera collectivement les meilleurs points d’équilibre possible.

Quelle est la meilleure manière d’assurer un contrôle effectif a posteriori des avis avec réserves émis par la HATVP dans des situations de pantouflage ? Est-ce une question budgétaire, d’organisation, ou d’habilitation juridique ?

Les trois à la fois. C’est une question délicate. Il s’agit de s’assurer que les réserves restreignant les relations entre telle ou telle personne sont respectées, par exemple. Le suivi de ces réserves implique un degré de connaissance des situations concrètes qu’il n’est pas évident d’avoir. Je souscris à l’idée qu’il est du rôle de la Haute Autorité de chercher à se préoccuper du suivi de ces réserves. En avril, la HATVP s’est réorganisée et a constitué une cellule de veille et de recherche en sources ouvertes pour traiter des dossiers les plus sensibles. Il existe aussi, dans la loi, des possibilités de signalements pouvant être faits à la HATVP.

Vous ne pouvez donc, juridiquement, pas aller au-delà des sources ouvertes….

Nous n’avons pas d’habilitation légale pour aller au-delà. Pour que ce suivi des réserves soit le plus opérationnel possible, il faut une mobilisation de la Haute Autorité bien sûr, ce qui peut impliquer quelques moyens humains et peut-être aussi numériques supplémentaires. Mais il faut également une parfaite responsabilisation des employeurs public-privé et des personnes concernées. Lorsque la Haute Autorité rend ses avis sur des projets de mobilité, ils sont notifiés, non pas seulement aux personnes concernées, mais aussi aux employeurs. Je note des expériences intéressantes dans l’administration. Par exemple au Conseil général des mines : lors des départs, les membres concernés formalisent leur engagement à respecter ces réserves dans une lettre visée dans l’arrêté autorisant la mise à disposition. C’est un acte récognitif. Cet exercice de contrôle reste avant tout partagé.

Comment situeriez-vous les employeurs dans cette révolution déontologique ? Ont-ils encore devant eux un enjeu de discours, de formation ? Quels sont leurs défis ? 

Je le redis car c’est une réalité : la transformation est quand même spectaculaire. Il faut observer d’où l’on vient et où l’on se situe aujourd’hui, avec un ensemble de dispositifs : la HATVP, les chartes de déontologie et les référents déontologues dans chaque administration et collectivité, notamment. Mon sentiment, c’est qu’il faut aller désormais au bout de cette démarche, y compris en approfondissant le dialogue entre les uns et les autres. Je pense que les employeurs publics peuvent attendre de la HATVP une forme de visibilité. De même qu’il existe un dialogue des juges, le dialogue des déontologues a toute son importance. Nous partageons tous les mêmes préoccupations.

Animez-vous cette communauté ?

Oui, on va d’ailleurs réunir les référents déontologues, comme chaque année, en octobre prochain, au Sénat. Nous avons aussi un partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale. Mais nous allons tenter de rechercher, dans le temps qui me sera imparti, les voies et moyens d’approfondir les choses. À charge pour nous d’aller au-delà, avec des expériences de déplacements hors les murs. Je vais m’attacher à faire vivre cela.

Votre prédécesseur, Didier Migaud, avait beaucoup insisté sur la lutte anticorruption et plaidé pour un rapprochement entre la HATVP et l’agence anticorruption ? Reprenez-vous à votre compte ce cheval de bataille ?

Objectivement, la Haute Autorité a une part bien déterminée dans la lutte contre la corruption. Il existe un travail en cours avec un plan national contre la corruption. Nous sommes à ce titre consultés et nous assumons toute notre part. L’articulation pensée par le législateur en 2013 puis en 2016 doit se faire de la manière la plus fluide possible. Ma prise de fonctions est encore récente et je crois beaucoup au dialogue avec les différentes parties prenantes pour mener une réflexion commune sur nos articulations.

De plus en plus d’inquiétudes se font jour autour de la corruption des agents publics, notamment récemment au travers d’un rapport de Transparency International. Est-ce un motif de préoccupation pour vous ?

Transparency International fait état de dégradations dans les perceptions. C’est important de le souligner car nous ne disposons pas d’éléments objectifs nouveaux, par exemple en matière d’engagement de poursuites. Si on prend un peu de recul, il faut bien voir que les menaces contemporaines se diversifient. La diffusion du gangstérisme à l’échelle internationale ou le narcotrafic exposent les personnes publiques avec des risques supplémentaires. D’où la nécessité d’un surcroît de vigilance et peut-être d’efficacité aussi dans la lutte contre la corruption. Il est du rôle de la Haute Autorité d’y prendre toute sa part avec des articulations qui existent et que l’on peut toujours chercher à améliorer. Ce qui me frappe sur le contrôle, c’est de constater que les choix opérés à compter de 2013 dans notre pays ont été précurseurs. Quand on regarde autour de nous, beaucoup d’États nous rejoignent ou aspirent à pouvoir le faire.

Quelles sont vos priorités pour votre seule année de mandat ?

Il existe un enjeu de consolidation pour cette institution. C’est très frappant de constater – et on peut s’en réjouir – que chaque année depuis 2013, le Parlement a étendu le champ d’action de la HATVP de différentes manières, parfois en élargissant le champ des personnes soumises à son contrôle, parfois en lui attribuant de nouvelles missions : mise en place d’un encadrement de la représentation d’intérêts ; mécanisme de consultation préalable à la constitution du gouvernement ; transfert des attributions de la Commission de déontologie de la fonction publique ; mission de contrôle en matière d’influence étrangère. C’est une croissance très rapide. Derrière ce mot de “consolidation”, il y a évidemment, et d’un point de vue très opérationnel, une question de moyens et aussi d’outillage numérique. On peut le voir de l’extérieur au sens où les services proposés sur notre site aux usagers ont l’âge qu’ils ont et mériteraient d’être perfectionnés afin de faciliter la déclaration. En interne, nous avons aussi devant nous des sujets liés à l’investissement. Cette institution a douze ans d’âge et nous devons imaginer ce qu’elle sera à l’âge adulte, dans six ans. C’est un enjeu concret.

Vous sentez-vous audible à l’heure où le gouvernement se lance dans une rationalisation des moyens de l’administration ?

Nous sommes attentifs à la situation des finances publiques, mais mon devoir reste d’exprimer nos besoins, forts modestes à l’échelle de la sphère publique. Il faut consolider l’effectivité du contrôle ainsi que l’exercice des missions nouvellement confiées. Nos récentes demandes de moyens n’ont pas été satisfaites. Le rapport d’activité pour 2024 montre pourtant que l’activité de la HATVP s’est considérablement alourdie, de plus de 40 % s’agissant du contrôle des déclarations des responsables publics et des mobilités entre secteurs public et privé, en raison des élections législatives consécutives à la dissolution et des multiples changements de gouvernement. Il faut aussi, je l’ai déjà dit, que cette institution aille plus loin dans la diffusion de sa doctrine, que nous devons rendre par ailleurs plus accessible, sous des formes ordonnées. La dose de difficultés que les acteurs en présence peuvent ressentir provient en partie de ce qu’ils n’ont pas une vision de la cohérence même des raisonnements tenus par la HATVP : l’enjeu est là. Le préventif consiste à permettre de mieux appréhender les règles législatives et jurisprudentielles. La HATVP n’est pas un isolat : il faut travailler avec toutes et tous. À cet égard, nous devons trouver une bonne articulation entre notre action nationale et ce qui se fait à l’international. Nous avons une préoccupation en matière d’influence étrangère : un travail est engagé au niveau des instances européennes, avec une proposition de directive d’harmonisation maximale étonnamment moins-disante par rapport au standard national défini par la loi de juillet 2024. Je me propose, avec d’autres, de signaler cette préoccupation aux autorités européennes.

Les standards de l’État de droit son chahutés dans divers pays, notamment dans certaines démocraties. Êtes-vous préoccupé par une possible remise en cause d’une institution comme celle que vous présidez à l’approche des échéances politiques de 2027 ?

J’ai complètement conscience, y compris parmi les responsables publics, qu’il peut y avoir des incompréhensions à l’égard de certaines solutions que nous pouvons apporter. Mais je reste vraiment persuadé que le choix du législateur, opéré en 2013 et conforté par lui depuis lors, constitue un vrai motif de fierté pour notre démocratie. Parce que quand même, revenons à l’essentiel : de quoi parlons-nous ? Nous parlons d’exigence de probité des responsables publics et, ultimement, de la manière dont l’intérêt général est poursuivi dans notre pays. Parce que c’est bien cela le fil rouge que l’on trouve entre les différentes missions de la HATVP, à travers le contrôle des responsables publics, des mobilités, des représentants d’intérêts et demain, des actions de représentation pour le compte d’un mandant étranger. Nous cherchons à donner aux acteurs en présence tous les moyens d’éviter que ce processus de recherche de l’intérêt général (qui se situe au cœur même du fonctionnement de la démocratie) ne soit perturbé ou ne subisse des interférences dissimulées. Lesquelles, dans une démocratie, ne sont pas souhaitables.

Ce que vous observez, y compris dans certaines démocraties, ne doit pas vous rassurer…

Bien sûr. Que voit-on autour de nous en Europe et ailleurs dans le monde, là où ces notions de prévention des conflits d’intérêts ou d’enrichissement illicite, de corruption ne sont pas appréhendées comme elles le sont chez nous ? Le contrat social s’en trouve miné. L’actualité quotidienne, y compris outre-Atlantique, nous montre à quel point ces choses restent importantes. Je n’ignore pas non plus un débat qui est un peu sous-jacent, sur le thème “toutes ces autorités de régulation coûtent de l’argent ; et si, finalement, on s’en passait ?”. Pardon, mais dans les régimes qui ne sont pas de vraies démocraties, on ne se soucie guère de la lutte contre la corruption des responsables publics ou de la prévention des conflits d’intérêts. C’est donc important d’aller au bout du débat. La HATVP coûte 10 millions d’euros par an. Je crois profondément qu’en termes d’efficacité de l’action publique, laquelle requiert probité et transparence, cette dépense est très justifiée. Je n’exprime pas un point de vue personnel mais je restitue simplement la logique qui a été celle du Parlement avec l’adoption de différentes lois depuis douze ans. Et c’est, selon moi, un véritable motif de fierté pour notre démocratie.

Par Bruno Botella et Pierre Laberrondo

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